Maroc : Des chercheurs mettent en garde contre la pollution des eaux souterraines

Dans deux études distinctes publiées récemment, des chercheurs marocains ont alerté sur la détérioration de la qualité des eaux souterraines provoquée par plusieurs facteurs qui menacent ce patrimoine hydraulique et principale source d’approvisionnement en eau dans certaines régions.

Alors que le royaume fait face à la pire sécheresse que le pays ait connue le pays lors des dernières décennies, les autorités comptent sur la rationalisation, l’utilisation des eaux usées pour l’irrigation ou encore les eaux souterraines pour subvenir aux besoins. Cette dernière ressource constitue une part très importante du patrimoine hydraulique. Selon les estimations du Haut-Commissariat au Plan (HCP), les ressources en eaux souterraines mobilisables sont estimées à 4 milliards de m3 bien qu’inégalement réparties dans les différentes régions du Maroc.

Dans les zones arides et semi-arides, les eaux souterraines constituent toutefois la principale source d’approvisionnement en eau. Toutefois, cette nappe phréatique reste menacée par la surexploitation et la pollution.

La qualité des eaux souterraines altérée par la pollution

Dans une étude publiée récemment, huit chercheurs marocains se sont intéressés aux eaux souterraines de la commune de Fezouata (province de Zagora, sud-est du Maroc) pour découvrir les principales composantes de la faune aquatique souterraine inconnues jusqu’à présent dans cette zone mais aussi se pencher sur les relations potentielles entre cette faune et la qualité de l’eau.

En effet, les organismes aquatiques souterrains peuvent fournir des informations supplémentaires qui peuvent être utilisées pour évaluer la qualité de l’eau, puisque des espèces de stygobiontes sont généralement sensibles à la pollution de l’eau. Pour ce faire, 15 stations ont été sélectionnées et prospectées. Les échantillons d’eau et de faune ont été prélevés mensuellement de novembre 2019 à mars 2021, expliquent-ils dans leur étude.

L’analyse des paramètres physico-chimiques des échantillons d’eau souterraine a montré que la qualité est «tellement altérée même par des sources ponctuelles et non ponctuelles de pollution». Elle a indiqué que ces eaux souterraines sont «généralement fortement altérées par les activités anthropiques». «Les puits situés à proximité des déchets miniers ou des égouts domestiques, sont les plus pauvres en faune stygobe», ajoutent les chercheurs.

«L’analyse de la qualité de l’eau et de la biodiversité souterraine montre que cette dernière diminue avec l’augmentation de la pollution des eaux souterraines. Il semble que l’impact de la pollution aiguë ait affecté la stygocénose (ensemble des espèces souterraines, qui se réduit en premier et disparaît complètement en cas de pollution importante, ndlr) en réduisant drastiquement la biodiversité», alertent-ils.

L’intrusion d’eau de mer pour les aquifères côtiers

Dans une autre étude récemment publiée, d’autres chercheurs marocains se sont penchés sur les eaux souterraines à Al Hoceima, en étudiant leurs paramètres hydrogéochimiques. Ils estiment, dans leur étude, que «l’intrusion d’eau de mer est l’un des problèmes les plus graves auxquels sont confrontés les aquifères côtiers». «Ces aquifères sont souvent considérés comme d’importantes sources d’eau douce, en particulier dans les régions arides», rappellent-ils.

Dans leur étude, qui s’est concentrée sur l’aquifère du Ghiss-Nekkor, une plaine côtière d’une superficie de 100 km2, drainée et traversée par la rivière Nekkor et la rivière Ghiss, 73 échantillons ont été collectés lors de missions de terrain en mai 2018 pour caractériser l’hydrogéochimie des eaux souterraines. Ils expliquent que «la dégradation de la qualité des eaux souterraines de l’aquifère et la probabilité d’intrusion marine sont devenues une grave préoccupation pour les communautés».

Il en ressort ainsi que «les impacts du changement climatique récent sur les précipitations et la température et les mouvements verticaux des eaux souterraines, affectés par des processus naturels et anthropiques, entraînent l’avancée et le recul de l’interface eau douce/eau de mer». La comparaison des données avec les normes d’eau potable de l’OMS montre également que la qualité de l’eau se détériore.

Pour les chercheurs, la salinisation des aquifères côtiers peut être attribuée à l’intrusion directe d’eau salée ou à une variété de processus géochimiques complexes qui affectent la qualité de l’eau de diverses manières, y compris les interactions eau-roche, la mobilisation de la saumure et la pollution anthropique. Cependant, «les déchets septiques, les apports d’eau d’irrigation et localement l’intrusion d’eau de mer semblent influencer considérablement la qualité des eaux souterraines dans cette zone», concluent-ils.

yabi

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