Trump ment. Petits mensonges, grands mensonges, peu importe. Il altère, brode, exagère, forge, abuse, se parjure, dissimule, invente des fariboles, fabule, frime, monte des bateaux, joue du pipeau, raconte des salades à la graisse de chevaux de bois, baratine, mitonne, bourre la caisse. Charlatan depuis toujours, bidonneur éternel, propagateur de fake news au kilomètre, il a inventé un nouveau style de règne : la trumperie. Jonathan Lemire, « White House bureau chief » du site Politico (peu favorable aux Démocrates), a suivi le président depuis ses débuts en politique. Dans « The Big Lie », son premier livre (en librairie depuis le 26 juillet), il raconte, un peu ébahi, les contes et les colères dont il a été témoin, qui l’ont laissé pantois. Lecture à la fois réjouissante, digne d’un récit de science-fiction, mais en même temps hallucinante. Car Trump n’a nul besoin de cocaïne, de méthamphétamine, de salsepareille ou de Carambar pour décoller. Il est auto-intox.
« Tout ce que Trump fait au pays maintenant, il l’a fait au golf, avant »
Barack Obama n’est pas né aux USA. J’ai de grandes mains. Le Mexique va payer pour le Mur. Le père du sénateur Cruz était mêlé à l’assassinat de JFK. Poutine a dit que j’étais un génie. Ma foule, le jour de l’élection, était plus grande que celle d’Obama. La Trump Tower est le plus haut building de Midtown Manhattan. Diana a marqué son intérêt pour moi. J’aurais pu devenir le roi d’Angleterre. Madonna a essayé de me séduire. Kim Basinger aussi. Marla a dit qu’elle avait eu « the best sex » de sa vie. L’enregistrement de « Access Hollywood » où il est question de prendre les filles par la chatte ? Pas ma voix. Le chef des boy-scouts a déclaré que c’était le meilleur discours du monde. 85 % des gens qui portent un masque attrapent le Covid. Mon coup de téléphone avec l’Ukraine était parfait. Je suis un des plus grands golfeurs du monde. J’ai la meilleure santé du cosmos. Les Japonais veulent voir ma tête sculptée sur le Mont Rushmore. Les éoliennes provoquent le cancer.
George Soros finance les antifas. Les hommes costauds pleurent de gratitude quand ils me rencontrent. Stormy Daniels a touché 130 000 dollars de ma part pour une soirée bunga- bunga ? Je ne suis pas au courant. Les machines à voter ont été trafiquées par des gauchistes du Venezuela. Franchement, nous avons gagné. Le FBI a apporté en loucedé les documents ultra-secrets qu’on m’accuse d’avoir gardés. Je suis l’être humain le plus honnête créé par Dieu.
Défécation dans les corbeilles à papier
Total : 30 573 mensonges (vérifiés) proférés en quatre ans. Soit 7 643 par an. Soit 21 par jour (et ça continue). Un record. Oui, mais un record qui a des conséquences : cinq morts le 6 janvier 2021. Ce jour-là, Trump a répété vingt fois, dans ses interventions, le mot « fight », alors qu’une foule de plusieurs milliers d’allumés convergeait vers le Capitole. Saccage des bureaux, violence des émeutiers, défécation (oui !) dans les corbeilles à papier, déprédations diverses, quasi-lynchage du vice-président, et une constatation : « Ils m’aiment. » Jonathan Lemire, dans son livre, note : tout en regardant les images à la télé, ce jour-là, « Trump a le sourire ». Et il communique sa satisfaction à ses 88,7 millions de followers sur les réseaux sociaux, avant d’être barré par Twitter et par Facebook. C’est fini ? Pas du tout. Quinze heures de sédition, la démocratie en péril, et un résultat : le Grand Mensonge fait désormais partie de l’arsenal idéologique des Républicains. Le cancer a métastasié.
lobs