« C’est la catastrophe »: le long d’une partie du Canal de Bourgogne, fermée pour manque d’eau comme 919 km de voies fluviales en France, les ports autonomes sont au bord du naufrage.
« Les journées sont longues »: Vincent Le Goff, chef du port de Saint-Florentin (Yonne), regrette les « 4-5 bateaux » qu’il accueillait chaque jour dans sa capitainerie, aujourd’hui vide.
Dans le petit port de Saint-Florentin, les canards ne sont plus dérangés et les emplacements vides se succèdent. La société de location Nicols a déplacé ses embarcations sur les quelque 200 km encore ouverts du Canal de Bourgogne reliant le bassin de la Seine à celui du Rhône.
« C’est détente, grasse matinée et jeux vidéos pour les enfants », raconte Jean-Philippe Tesson, bloqué depuis début août sur le Cézanne. « On est bien mais il ne faudrait pas que ce soit tous les ans! ».
C’est justement le problème. En 2019 et en 2020, la sécheresse avait déjà interdit la navigation. « Sur les quatre dernières années, seul 2021 a été une saison entière », regrette Vincent Le Goff.
« Ca va être comme ça chaque année? », se demande Nathalie Piller. La Parisienne a mis « l’Interlock » à l’eau en 2019 et depuis ne l’a quasiment pas sorti.
« Cet été, on voulait en profiter mais on n’a pas pu bouger », regrette-t-elle. « Alors on est sur liste d’attente pour un autre port ».
Les plaisanciers sont en effet de plus en plus nombreux à changer de lieu d’amarrage. « On avait 80 bateaux en hivernage en 2018, une cinquantaine maintenant », confie M. Le Goff.
– « Une passoire » –
Le port était pourtant en plein essor. « On a investi 1,5 million d’euros. On avait atteint l’équilibre mais maintenant, on est déficitaire », regrette Yves Delot, président de la Communauté de communes Serein et Armance qui englobe Saint-Florentin et exploite le port.
A quelques km, la situation est encore plus délicate pour le port privé de Brienon-sur-Armançon. « C’est la catastrophe. On se demande si on va continuer », confesse Manuel De Oliveira, le responsable.
Le chiffre d’affaires a chuté « de 50.000 euros en 2016 à 15.000 euros cette année ». « On ne se donne plus de salaire », résume-t-il.
Les communes de cette région désertifiée, très dépendante du tourisme, font elles aussi un calcul angoissant. « Un bateau, c’est 5-6 personnes: nos commerçants souffrent », souligne M. Delot, également maire de Saint-Florentin (4.600 habitants).
« Ah oui, on a perdu des clients. Bien 25% », confirme Normann Lin, patron de la « Guinguette de l’Armance », ouverte à l’aide d’argent public. Le maire, lui, espère que les investissements ne partiront pas à vau-l’eau avec les fermetures du canal.
La sécheresse a bon dos, selon le maire, qui accuse plutôt les Voies navigables de France (VNF), organisme public gérant le canal, de « très mal l’entretenir ».
« C’est une passoire », estime Vincent Le Goff, blâmant en particulier les écluses fuyardes.
« On en a eu des sécheresses mais le canal n’avait jamais fermé » avant, souligne Didier Raphat, gérant du chantier fluvial de Saint-Florentin.
« De l’eau, il y en a plus haut mais ici, plus rien. Elle part où? », s’interroge Michel Piat, propriétaire du Vigilant. Cet homme né il y a 84 ans sur une péniche a « mal au cœur » de voir ce qu’est devenu « le Bourgogne », nom affectif du canal ouvert en 1832, « un pan de patrimoine ».
Face aux critiques, Virginie Pucelle, directrice adjointe chez VNF Centre Bourgogne, évoque le vaste plan visant à moderniser les écluses sur les 6.700 km de voies gérées par VNF en France.
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