Emmanuel Macron entame ce jeudi une visite de trois jours en Algérie, la deuxième seulement depuis qu’il est président de la République. Officiellement, le chef de l’État veut « refonder » une relation, qui reste marquée par le poids du passé. Officieusement, la France veut obtenir le soutien de l’Algérie, neuvième producteur mondial de gaz, pour sortir de la dépendance russe.
Une visite tournée vers « la jeunesse et l’avenir », avec pour objectif de « refonder » une relation, mise à mal depuis l’arrivée à l’Élysée d’Emmanuel Macron, en 2017. Ce jeudi, le président de la République entame un déplacement de trois jours en Algérie, accompagné d’une importante délégation, comprenant notamment sept ministres.
C’est la deuxième fois que qu’Emmanuel Macron se rend en Algérie en tant que président, après une première visite en décembre 2017, au tout début de son premier quinquennat. Premier président français né après la guerre d’Algérie (1954-1962), il n’a eu de cesse, depuis son élection en 2017, de tenter de normaliser les relations entre les deux peuples.
Un déplacement coïncidant avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, et qui « contribuera à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir (..) à renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux et à poursuivre le travail d’apaisement des mémoires », précisait l’Élysée le 20 août.
Encore candidat, Emmanuel Macron avait frappé les esprits en qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », et a multiplié depuis les gestes mémoriels. L’Algérie n’avait pas embrayé sur ce travail de mémoire et a déploré que le président français n’exprime pas de « repentance » pour les 132 ans de colonisation française.
Après des mois de tensions, Emmanuel Macron avait ensuite reproché au pouvoir algérien d’exploiter la « rente mémorielle » de la guerre d’indépendance pour entretenir sa légitimité et s’est interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Une question qui pèse lourd aussi en politique intérieure des deux côtés de la Méditerranée: sept millions de Français sont liés d’une manière ou d’une autre à l’Algérie.
Dans cet esprit d’apaisement mémoriel, Emmanuel Macron se rendra, en compagnie de son homologue Abdelmadjid Tebboune au Monument des Martyrs, haut lieu de la mémoire algérienne de la guerre d’indépendance face à la France, avant un tête-à-tête et un dîner au palais présidentiel.
Autre enjeu de la visite: la question des visas accordés à l’Algérie, dont le nombre a été réduit de 50%, comme pour le Maroc, pour mettre la pression sur des gouvernements jugés trop peu coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France. Les deux capitales veulent « avancer » sur ce sujet, affirme l’Élysée.
La gaz, raison officieuse
Mais, selon les observateurs, la visite d’Emmanuel Macron aurait un autre objectif, plus officieux et urgent pour Paris. Depuis le début de la guerre en Ukraine fin février, l’Algérie, un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz, est très sollicitée par des Européens pressés de réduire leur dépendance à l’égard du gaz russe. L’Algérie est notamment devenue ces derniers mois le premier fournisseur en gaz de l’Italie, via le gazoduc Transmed qui passe par la Tunisie.
« Cette coopération intéresse beaucoup l’Algérie qui a annoncé, avant même la crise ukrainienne, sa volonté d’augmenter sa production et son approvisionnement en gaz vers l’Europe. D’autant plus que la crise incite les Européens à chercher le gaz algérien », analyse pour BFMTV Brahim Oumansour, chercheur associé à l’Iris et spécialiste de l’Algérie.
Une négociation non sans risque pour Paris, comme le souligne Laurent Neumann, éditorialiste politique sur notre antenne, qui n’aurait aucun intérêt à se « fâcher » avec ses alliés européens, également en quête d’alternative au gaz russe. D’autant que les capacités de l’Algérie à fournir la France ne vont pas forcément de soi: selon Olivier Appert, conseiller énergie de l’Institut français des relations internationales (Ifri), « les exportations en 2005 de l’Algérie étaient de 65 milliards de m3 ; aujourd’hui, on en est à 41 milliards. Il faut renverser une évolution qui est à la stabilisation, voire au déclin ».
Du côté de l’Élysée, on l’affirme: le gaz algérien n’est « vraiment pas l’objet de la visite » d’Emmanuel Macron.
afp