C’est un événement symbolique mais qui traduit l’effet des sanctions contre Moscou après six mois de guerre: un conseil de créanciers organise lundi des enchères sur la dette de la Russie qui entérineront un défaut de paiement, le premier sur la dette extérieure russe depuis 1918.
Méconnu du grand public, voire un peu secret, ce conseil appelé le CDDC (Credit Derivatives Determinations Committee) organise ces enchères dont l’objectif est d’indemniser les investisseurs ayant souscrit des assurances contre le défaut de paiement de la Russie, des « Credit Default Swaps » ou CDS.
Ce déclenchement acte le défaut de paiement de la Russie, lequel n’a jamais été officiellement annoncé mais était considéré comme déjà acquis par la plupart des acteurs économiques même en l’absence de l’évaluation des agences de notation rendue interdite par les sanctions occidentales.
Il s’agit du premier défaut de Moscou sur sa dette extérieure depuis 1918 et l’épisode des emprunts russes lancés par la Russie tsariste sur les marchés occidentaux, notamment en France, que le dirigeant bolchévique Lénine avait refusé de reconnaître.
Il ne change dans les fait pas grand chose: la Russie est de toute façon coupée des marchés de capitaux internationaux depuis son invasion de l’Ukraine fin février. De plus, Moscou est peu endettée en devises étrangères, sa dette extérieure pesant pour environ 40 milliards de dollars.
Sa dette publique est par ailleurs proche de seulement 20% de son PIB.
Parallèllement, ses rentrées d’argent grâce aux ventes d’hydrocarbures ont été massives depuis le début de l’année sous l’effet de l’envolée des prix.
Cela n’a toutefois pas empêché le Kremlin de s’insurger depuis des mois contre un défaut qu’il qualifie d' »illégitime » car précipité par les sanctions.
– 2,37 milliards de dollars –
Techniquement, l’opération d’enchères sur la dette russe doit se réaliser en deux temps. La première étape a pour vocation de fixer un prix initial à huit obligations mises aux enchères, tandis que la seconde étape, ouverte plus largement aux investisseurs, doit se baser sur la première étape pour fixer un prix définitif aux obligations.
« Le prix final de ces enchères déterminera le montant de recouvrement sur les CDS », explique la banque américaine JPMorgan dans une note récente qui évalue l’ensemble de ces assurances contre le défaut russe à 2,37 milliards de dollars.
Cette opération d’enchères est habituelle dans les cas de défauts de paiements, à la différence que les délais ont été exceptionnellement longs dans le dossier russe, créant un flou de plusieurs semaines quant à l’indemnisation des investisseurs.
Entre le moment où le conseil de créanciers a reconnu que la Russie n’avait pas payé une échéance de remboursement, appelé un « événement de crédit » dans son jargon, et l’organisation des enchères lundi, il s’est écoulé plus de trois mois contre environ 30 jours en temps normal, selon un expert des CDS interrogé récemment par l’AFP.
Cette longue latence s’explique par la glaciation du système financier russe sous l’effet des sanctions: les investisseurs internationaux n’ont plus le droit depuis le printemps de s’échanger des titres russes, or le système d’enchères impose justement d’effectuer des échanges sur ces titres.
Afin de faciliter l’organisation de ces enchères, les autorités américaines ont exceptionnellement autorisé des transactions sur les huit obligations russes libellées en devises étrangères entre le 8 et le 22 septembre.
Selon JPMorgan, l’attractivité de la dette russe pour les investisseurs à l’issue de ces enchères est rendue très incertaine par l’impossibilité d’échanger des produits financiers de ce pays depuis des mois.
L’incertitude pèse aussi sur la date exacte à laquelle le processus d’indemnisation des investisseurs ira à son terme. Basée à Londres, l’antenne Europe/Moyen-Orient/Afrique (EMEA) du CDDC, qui organise les enchères, a affirmé ces derniers jours que les jours chômés en raison des obsèques de la reine Elizabeth pourraient légèrement retarder l’ensemble du processus.
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