Les autorités américaines réfléchissent à valider les premiers essais cliniques des xénogreffes chez l’humain. Sciences et Avenir a interrogé les protagonistes de ces succès, Robert Montgomery et Muhammad Mohiuddin, pour savoir quand commenceront ces essais et comment ils se dérouleront.
D’abord un rein, puis un cœur, puis deux autres cœurs… en moins d’un an, les xénogreffes sont passées de fantasmes de science-fiction à une réalité toute proche. Au point que l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) serait en train de réfléchir à la possibilité d’autoriser des essais cliniques chez l’humain, selon le Wall Street Journal. Cette révolution médicale promet de résoudre une fois pour toutes la pénurie de greffons dans le monde grâce aux organes cultivés dans des cochons génétiquement modifiés. Avant octobre 2021, toutes les tentatives dans ce sens avaient échoué. Jusqu’à ce qu’une poignée d’équipes américaines réussissent enfin à montrer que c’était faisable.
Principalement celle de Robert Montgomery du centre de santé Langone de l’Université de New York (Etats-Unis), qui a réussi la première xénogreffe de rein porcin en octobre 2021 et des xénogreffes de cœur en juin 2022 ; et celle de Muhammad Mohiuddin de l’Université du Maryland, qui a réussi à garder en vie pendant deux mois un patient avec un cœur de cochon (résultats publiés le 7 juillet 2022 dans The New England Journal of Medicine). Sciences et Avenir a interrogé ces experts sur les enseignements que ces expériences nous ont laissés et ce que la FDA attendrait pour valider les premiers essais cliniques.
Sciences et Avenir : Dr Mohiuddin, votre patient a survécu pendant deux mois avec un cœur porcin. Comment interprétez-vous ce résultat, comme un succès ou comme un échec ?
Muhammad Mohiuddin : Nous pensons que c’est un succès majeur. Malgré le très mauvais état de santé de M. Bennet, on a réussi à le garder en vie pendant 60 jours, et il allait très bien jusqu’au jour 50, beaucoup mieux que ce qu’il aurait été avec un greffon humain, selon les cardiologues de l’équipe. Il s’est battu pour vivre jusqu’au dernier jour, lui et sa famille voulaient qu’on apprenne le plus possible de cette expérience. Mais on a eu des complications.
Quel genre de complications ?
M. M. : À cause de sa condition, nous n’avons pas pu lui donner le même niveau d’immunosuppression que nous avons utilisé auparavant dans nos études chez des primates. Cette immunosuppression est nécessaire pour que le corps du patient ne rejette pas l’organe de cochon. Mais ce n’était pas simple de trouver le bon équilibre, car il fallait baisser cette immunosuppression pour sauver le patient, mais si on la baissait trop, alors c’est le cœur qui pouvait en souffrir. Cependant, le cœur fonctionnait parfaitement jusqu’au 30e jour après la chirurgie, mais ensuite, nous avons dû arrêter un des immunosuppresseurs, car la moelle épinière du patient ne fonctionnait plus très bien (ce tissu produit les globules blancs essentiels pour la défense immunitaire, la baisse de cette production plus l’immunosuppression médicamenteuse auraient mis le patient en danger d’une infection, ndlr).
Ces problèmes pourraient être évités avec des patients en meilleure santé. Évidemment, les patients qui feront appel à une xénogreffe ne seront jamais en bonne santé : s’ils ont accès à un cœur de cochon, c’est parce qu’ils n’ont pas accès à un cœur humain. Mais ils pourraient être en meilleur état que M. Bennet et pourraient s’en sortir mieux après une telle greffe.
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