Après l’explosion des records de chaleur cet été en Europe, verdir les villes n’a jamais été aussi urgent pour rendre la vie urbaine supportable. Si le constat est aujourd’hui largement partagé, la mise en oeuvre semble moins facile sur le terrain.
Végétalisation, débitumisation, désimperméabilisation des sols… Face au changement climatique, l’espace public opère une mutation à marche forcée. « On est malheureusement aidés par les crises », reconnaît Véronique Navet, urbaniste à l’atelier Ruelle, pour qui « le plus difficile aujourd’hui pour les élus est d’arriver à changer des pratiques bien ancrées dans le quotidien », comme réduire la place de la voiture.
Adapter les villes « passe nécessairement par la lutte contre les îlots de chaleur et par un travail sur la perméabilité des sols pour prévenir les inondations », rappelle Isabelle Mesnard, du Centre d’études et d’expertise sur les risques (Cerema), qui accompagne les villes.
Renaturation, mobilités douces, matériaux de construction clairs qui ne relâchent pas la chaleur, bâtiments « bioclimatiques »… « Sur le papier, la réponse est simple, mais on ne va pas repeindre en blanc la cathédrale de Clermont-Ferrand qui est en pierre volcanique noire sous prétexte de lutter contre les îlots de chaleur », souligne Vincent Dubreuil, professeur de géographie à l’université Rennes 2. De même, comment planter des arbres sur des places qui ont vocation à accueillir des fêtes foraines?
« Dans une rue à deux voies, avec deux rangées de stationnement, on va vouloir mettre des piétons, des vélos et des arbres sur le petit bout de trottoir qui reste, parce que l’habitude de l’espace urbain est très lié à la voiture », poursuit cette spécialiste du vélo en ville.
– L’injonction à planter –
Interrogés par l’AFP, plusieurs maires font également état de nombreuses difficultés techniques – avec des sous-sols truffés de réseaux de gaz, eau, électricité, qui interdisent les plantations d’arbres -, mais aussi d’un problème de coût. « Végétaliser notre première cour d’école nous a coûté 380.000 euros et nous avons 82 écoles », témoigne François Rebsamen, maire (ex-PS) de Dijon.
« Les matériaux qui absorbent moins la chaleur ont un coût encore supérieur aux matériaux classiques », remarque de son côté Arnaud Robinet, maire (Horizons) de Reims.
Dans la capitale, où un plan « Paris frais » a été lancé en 2021, Christophe Najdovski, adjoint PS chargé de la végétalisation, assure que « jamais autant d’arbres n’ont été plantés ».
« On est en train de changer de paradigme en ne considérant plus les arbres comme des variables d’ajustement. L’objectif à Paris, c’est +zéro abattage+ et débitumer un espace public asservi à la voiture », souligne-t-il.
Mais pour le collectif « Saccage Paris », qui critique un « greenwashing » municipal, la mairie ne s’est pas fixé « d’objectif de survie » et a dû « abattre des arbres pour recréer des espaces verts ».
Qualité de l’air, du sol, eau, place pour les racines… L’environnement urbain n’est pas des plus accueillants pour les arbres. « Couper la lumière d’un sol en le bitumant, c’est le tuer. Retrouver son caractère fertile est donc très long », observe Mathieu Delorme, maître de conférences à l’Ecole d’architecture Paris-Est.
A cela s’ajoutent le temps de pousse, sur plusieurs générations, et un choix d’espèces qui nécessite de se projeter à très long terme, Lyon devant par exemple se préparer à affronter le climat d’Alger en 2100.
« On a toutes les solutions techniques de rafraîchissement depuis la nuit des temps, mais on les a oubliées parce que le pétrole nous permet de corriger nos erreurs avec du chauffage ou de la climatisation », plaide M. Delorme, pour qui le sol devrait avoir une « valeur rafraîchissante » et pas seulement constructive.
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