Iran : plusieurs personnes tuées lors des manifestations contre la mort de Mahsa Amini

La situation se tend encore un peu plus en Iran. Les manifestations se sont étendues dans le pays pour la cinquième nuit consécutive contre le décès brutal d’une jeune femme arrêtée par la police des mœurs chargée de faire respecter le port du voile obligatoire pour les femmes, a rapporté mercredi 21 septembre l’agence officielle Irna.

Des manifestants sont sortis dans les rues d’une quinzaine de villes, bloquant la circulation, incendiant des poubelles et des véhicules de police, lançant des pierres sur les forces de sécurité et scandant des slogans hostiles au pouvoir. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et procédé à des arrestations pour disperser la foule, a précisé l’agence.

Des hommes et des femmes, dont beaucoup avaient ôté leur foulard, se sont rassemblés à Téhéran et dans d’autres grandes villes du pays, notamment à Mashhad (nord-est), Tabriz (nord-ouest), Rasht (nord), Ispahan (centre) et Kish (sud), ajoute l’agence.

Pour empêcher de nouvelles la tenue de nouveaux rassemblements mercredi, les autorités ont prévenu d’une restriction d’accès à Internet. Le réseau pourrait être perturbé pour des « raisons de sécurité », a ainsi déclaré mercredi le ministre des communications a été cité mercredi par l’agence de presse semi-officielle Isna.

Plusieurs manifestants tués
La veille, les premières annonces donnant des morts sont tombées. Trois personnes ont été tuées au Kurdistan iranien pendant ces manifestations, a affirmé le gouverneur du Kurdistan, Ismail Zarei Koosha.

Mahsa Amini, âgée de 22 ans et originaire de la région du Kurdistan (nord-ouest), a été arrêtée le 13 septembre à Téhéran où elle était en visite avec sa famille, pour « port de vêtements inappropriés » par la police des mœurs, une unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d’Iran pour les femmes.

En Iran, se couvrir les cheveux est obligatoire en public. La police des mœurs interdit en outre aux femmes de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres.

Mahsa Amini est tombée dans le coma après son arrestation et est décédée le 16 septembre à l’hôpital, selon la télévision d’État et sa famille.

Des militants affirment qu’elle a souffert d’une blessure à la tête, alors qu’elle était en détention. La police iranienne a rejeté ces accusations et une enquête a été ouverte.

Le décès de la jeune femme a suscité une vague de colère en Iran, où des manifestations ont éclaté samedi au Kurdistan, puis à Téhéran et dans d’autres régions d’Iran.

Cité par l’agence de presse Fars, Ismail Zarei Koosha a fait état de « trois morts » lors des manifestations dans différentes localités de la province, sans préciser de date. Il a qualifié ces morts de « suspectes, faisant partie d’un complot fomenté par l’ennemi ». Il a aussi affirmé que l’une des victimes avait été tuée par un type d’arme non utilisé par les forces iraniennes.

Le représentant du guide suprême chez la famille de Mahsa Amini
Face à la colère provoquée par cette mort, le représentant du guide suprême Ali Khamenei au Kurdistan, Abdolreza Pourzahabi, s’est rendu lundi au domicile familial de Mahsa Amini, selon l’agence Tasnim.

L’émissaire a déclaré à la famille que « des mesures [seraient] prises » et que l’ayatollah Khamenei était « peiné » par ce décès. « Comme je l’ai promis à la famille Amini, je suivrai le dossier jusqu’au bout », a-t-il dit.

À l’étranger, la Haute Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme par intérim, Nada Al-Nashif, a exprimé « son inquiétude face à la mort en détention de Mahsa Amini […] et à la réaction violente des forces de sécurité aux manifestations qui ont suivi ».

« La mort tragique de Mahsa Amini et les allégations de torture et de mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête rapide, impartiale et efficace par une autorité compétente indépendante […] », a-t-elle ajouté.

En marge de l’assemblée générale de l’ONU à New York, le président français Emmanuel Macron a déclaré, après un entretien avec le président iranien Ebrahim Raïssi, avoir « insisté sur le respect des droits des femmes » en Iran.

La police des mœurs dans la tourmente
La mort de la jeune femme a aussi provoqué des critiques de hauts responsables iraniens contre la police des mœurs, connue officiellement sous le nom de Gasht-e Ershad, ou « patrouille d’orientation ».

Au Parlement, le député Jalal Rashidi Koochi, cité par l’agence ISNA, a estimé que la police des mœurs « [causait] des dommages au pays ».

« Afin d’éviter la répétition de tels cas, les méthodes utilisées par ces patrouilles d’orientation […] devraient être revues », a affirmé le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf à l’agence officielle IRNA.

Plus radical, un autre parlementaire a annoncé son intention de proposer la suppression complète de cette force.

« Je crois qu’en raison de l’inefficacité du Gasht-e Ershad à faire comprendre la culture du hijab, cette unité devrait être supprimée, afin que les enfants de ce pays n’aient pas peur quand ils croisent cette force », a déclaré Moeenoddin Saeedi.

France24

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