Selon les résultats partiels des élections législatives, la coalition de droite a récolté plus de 44 % des voix, dimanche aux élections législatives, s’assurant la majorité absolue des sièges aussi bien à la Chambre des députés qu’au Sénat.
Pour Giorgia Meloni, la cheffe du parti ultraconservateur Fratelli d’Italia, l’issue des élections législatives italiennes de dimanche 25 septembre ne fait plus de doute. « Les Italiens ont envoyé un message clair en faveur d’un gouvernement de droite dirigé par Fratelli d’Italia », a-t-elle déclaré lors d’une brève allocution, en soirée, à la presse à Rome. « Nous gouvernerons pour tous » les Italiens, a-t-elle promis. « Nous le ferons dans l’objectif d’unir le peuple », a-t-elle ajouté dans un discours de rassemblement et d’apaisement en reconnaissant que la campagne électorale avait été « violente et agressive ».
Tous les indicateurs semblent en effet confirmer la victoire de l’extrême droite lors de ces élections, dont le taux de participation à la clôture des urnes était seulement de 64,07 %, contre 73,86 % en 2018.
En restant dans l’opposition à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les législatives de 2018, Fratelli d’Italia s’est imposé comme la principale alternative, passant de 4,3 % des suffrages à plus d’un quart des voix (près de 26,50 %), selon les résultats partiels fournis par le ministère italien de l’intérieur.
La coalition formée par Fratelli d’Italia avec l’autre formation eurosceptique d’extrême droite, la Ligue de Matteo Salvini (9 % des voix), et le parti conservateur de Silvio Berlusconi, Forza Italia (8 %) recueille plus de 44 % des suffrages après le dépouillement de 90 % des circonscriptions.
Avec le jeu complexe du système électoral, cette coalition devrait s’assurer la majorité absolue des sièges aussi bien à la Chambre des députés qu’au Sénat.
Pourcentage le plus élevé pour l’extrême droite depuis 1945
Si ces résultats se confirmaient, Fratelli d’Italia et la Ligue remporteraient ensemble « le pourcentage le plus élevé de votes jamais enregistré par des partis d’extrême droite dans l’histoire de l’Europe occidentale de 1945 à aujourd’hui », a relevé le Centre italien d’études électorales.
La formation fondée fin 2012 par Giorgia Meloni avec des dissidents du berlusconisme devance le Parti démocrate (PD) d’Enrico Letta, qui n’a pas réussi à susciter un vote utile pour faire barrage à l’extrême droite et qui obtient moins de 20 % selon les résultats partiels. Le Mouvement 5 étoiles (M5S, ex-antisystème) récolte moins de 15 % des voix, en chute par rapport à son score historique de plus de 30 % en 2018.
La coalition des droites a un « net avantage aussi bien à la Chambre qu’au Sénat », s’est réjoui sur Twitter Matteo Salvini.
La vice-présidente du PD, Debora Seracchiani, a reconnu la « victoire de la droite emmenée par Giorgia Meloni », ce qui marque « une soirée triste pour le pays ».
Ce séisme intervient deux semaines après celui qui, en Suède, a vu la victoire d’un bloc conservateur comprenant les Démocrates de Suède (SD), parti issu de la mouvance néonazie qui a réalisé une forte percée, devenant la première formation de droite du pays nordique.
« Leçon d’humilité »
Dans ce qui a été (mal) perçu à Rome comme un avertissement sans frais, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rappelé que l’Union européenne (UE) disposait « d’instruments » pour sanctionner les Etats membres portant atteinte à l’Etat de droit et à ses valeurs communes. « Les Italiens ont offert une leçon d’humilité à l’UE qui, par la voix de Mme von der Leyen, prétendait leur dicter leur vote », a cinglé sur Twitter le président du Rassemblement national français, Jordan Bardella.
Bêtes noires de Bruxelles, le premier ministre hongrois Viktor Orban et son homologue polonais Mateusz Morawiecki ont adressé, dès dimanche soir, leurs « félicitations » à Giorgia Meloni. M. Orban, par la voix de son directeur politique, le député Balazs Orban, a ajouté ce message : « Nous avons plus que jamais besoin d’amis partageant une vision et une approche communes de l’Europe ».
Giorgia Meloni « a montré la voie vers une Europe orgueilleuse et libre de nations souveraines », s’est réjoui de son côté le leader du parti espagnol d’extrême droite Vox, Santiago Abascal.
Une image dédiabolisée
Fratelli d’Italia doit son succès autant aux promesses non tenues de ses adversaires et au vent de « dégagisme » qui souffle sur la Péninsule qu’au charisme de sa dirigeante.
En pole position pour devenir la première femme présidente du Conseil, Giorgia Meloni, une Romaine de 45 ans, qui, jeune militante, disait admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et à rassembler sur son nom les peurs et les colères de millions d’Italiens face à la flambée des prix, au chômage, aux menaces de récession ou à l’incurie des services publics.
Le gouvernement devra notamment gérer la crise causée par l’inflation galopante, l’Italie croulant déjà sous une dette représentant 150 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.
Dans ce pays à l’instabilité gouvernementale chronique, les experts s’accordent déjà sur la courte espérance de vie de la coalition victorieuse, un mariage de raison entre trois alliés aux ambitions concurrentes. Pour Giorgia Meloni, « le défi sera de transformer son succès électoral en leadership de gouvernement qui puisse s’inscrire dans la durée, c’est cela la grande inconnue », a estimé, dimanche soir, Lorenzo De Sio, professeur de sciences politiques à l’université Luiss de Rome.
Giorgia Meloni, sans expérience gouvernementale à part un passage éphémère au ministère de la jeunesse (2008-2011), aura fort à faire pour gérer ses encombrants alliés, bien plus expérimentés : Silvio Berlusconi a été plusieurs fois chef de gouvernement et Matteo Salvini, ministre de l’intérieur et vice-premier ministre.
Dans le dossier ukrainien, l’Europe et les alliés de l’Italie, membre de l’OTAN, scruteront également la répartition des portefeuilles entre les trois partis. Car si Giorgia Meloni est atlantiste et soutient les sanctions frappant Moscou, M. Salvini s’y oppose.
Le Monde