Lubrizol : trois ans après l’incendie, tout n’est pas mis en œuvre pour éviter ce type d’accident, déplore un spécialiste des risques industriels

Paul Poulain, auteur de « Tout peut exploser » aux éditions Fayard, dénonce le manque de moyens, en France, pour prévenir les catastrophes industrielles, trois ans après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

Trois ans après l’incendie de Lubrizol à Rouen (Seine-Maritime), « on ne met pas tout en œuvre pour éviter qu’un accident de ce type arrive », affirme ce lundi 26 septembre sur franceinfo Paul Poulain, spécialiste des risques industriels et auteur de Tout peut exploser aux éditions Fayard alors que, contrairement à ce que le gouvernement avait annoncé à l’époque, il n’a pas augmenté les contrôles des sites, Seveso notamment, de 50% par manque d’effectifs, selon une enquête de Libération. « Il y a 1 300 sites extrêmement dangereux, dits Seveso, et 500 000 installations classées pour la protection de l’environnement, dont 460 000 ne sont jamais inspectés », a assuré Paul Poulain.

franceinfo : Avons-nous tiré les leçons, trois ans après Lubrizol ?

Paul Poulain : Avec l’article paru dans Libération, vraisemblablement on peut se poser la question, car les effectifs de l’inspection du ministère de la Transition écologique, qui s’occupent de contrôler les sites industriels, sont passés de 1 600 à environ 1 520, soit 80 de moins. Alors qu’il y a maintenant deux ans, pour l’anniversaire de l’incendie de Lubrizol, on avait annoncé au contraire une augmentation de 50 personnes dans les effectifs.

À l’époque, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, avait annoncé une augmentation de 50% des contrôles sur les sites industriels. A-t-on atteint cet objectif ?

Il se trouve que nous n’atteindrons pas cet objectif de 50% de contrôles supplémentaires, ce qui s’explique par le manque d’effectifs. Et il se trouve que les inspecteurs et inspectrices de la Direction de l’environnement et de l’aménagement et du logement (DREAL) sont surmenés. Plus de la moitié souhaitent quitter leur emploi pour faire autre chose. Les risques industriels sont toujours minorés par les décideurs publics qui ne donnent pas les moyens aux services de l’État pour bien faire leur travail. Au bout d’un moment, on peut comprendre que des travailleurs de ces institutions envisagent de faire autre chose.

Que faut-il faire concrètement ?

Il faudrait renforcer les services pour leur laisser plus de temps sur les sites industriels. Une étude a comparé l’application de la directive Seveso en France, en Italie et en Allemagne. Il se trouve qu’en moyenne, les équipes françaises passent quatre jours sur un dossier Seveso, en Italie elles passent 9 jours, soit deux fois plus de temps, et en Allemagne 20 jours.

La France a besoin de contrôles techniques plus poussés sur ses installations ?

Oui, car les industriels ne connaissent pas forcément bien ces sujets des risques industriels, surtout sur des sites de moyenne taille qui ne sont pas parmi les sites classés Seveso, qui sont uniquement des installations classées pour la protection de l’environnement. Pour rappel, il y a 1 300 sites extrêmement dangereux, dits Seveso, et 500 000 installations classées pour la protection de l’environnement, dont 460 000 ne sont jamais inspectés par les services de l’État.

Est-ce qu’on sait éviter aujourd’hui un nouveau Lubrizol ?

Tous les jours on évite un nouveau Lubrizol et fort heureusement, grâce aux services de secours, grâce aux compétences en sécurité sur les sites industriels. Mais par contre, on ne met pas tout en œuvre pour éviter qu’un accident de ce type arrive. Il y a d’une part le hasard, bien entendu, sur lequel on ne peut pas faire grand-chose, mais par contre sur tout ce qu’on pourrait faire, on est très, très loin du compte.

francetvinfo

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