17 ministres français en Algérie: Jusqu’où ira la France pour le gaz algérien?

La Première ministre française Elisabeth Borne se rendra dimanche à Alger accompagnée de 16 autres ministres, soit plus que la moitié du gouvernement français, pour concrétiser la « déclaration d’Alger » signée en août par le président français Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Jusqu’où ira la France pour le gaz algérien?

Le déplacement compte en tout 17 ministres (soit plus que la moitié du gouvernement français), selon une source diplomatique française citée par les médias algériens. « Autant de ministres qui se déplacent dans un même voyage, c’est du jamais vu », a ajouté la même source.

Si ce niveau de représentation et la taille de la délégation française ne doit signifier qu’une seule chose, c’est qu’Emmanuel Macron a mis les bouchées doubles pour se conformer à la mégalomanie et le complexe de Napoléon dont souffrent les dirigeants algériens.

On se rappelle en avril 2021, l’annulation à la dernière minute du déplacement du Premier ministre français de l’époque, Jean Castex en Algérie par les dirigeants algériens pour cette même raison.

Les Algériens avaient refusé que Jean Castex vienne en Algérie sous prétexte que le format de la délégation choisi par Paris n’était pas à la hauteur, avec seulement 4 ministres qui l’accompagnaient.

Dans le cadre de l’opération séduction menée par Paris vis à vis de l’Algérie, tous les moyens sont donc bons. Quitte à faire table rase des insultes et toute la haine algérienne envers la France depuis l’Indépendance en 1962.

Une haine viscérale que les autorités algériennes ont fait germer dans l’esprit de la jeunesse qui n’a pourtant rien connu de la colonisation. Emmanuel Macron l’avait constaté lors de son premier déplacement en Algérie lorsqu’il a été interpellé par un jeune algérien sur la colonisation.

Une hostilité et malveillance qui avaient même poussé l’ancien ministre algérien du travail, El Hachemi Djaaboub, à accuser la France d’être « l’ennemi traditionnel et éternel » de l’Algérie lors d’une séance au Parlement.

Pourtant, Emmanuel Macron avait fait un grand pas vers cette Algérie de Tebboune en le reconnaissant comme président légitime, alors qu’il a été placé au pouvoir par les généraux contre la volonté des Algériens qui ont boycotté les élections présidentielles par deux fois en 2019 sur fond de contestation du régime militaire.

Karim Tabbou, figure populaire du Hirak, le mouvement qui a renversé l’ex président Bouteflika, avait interpellé directement le président français après qu’il ait « reconnu » la légitimité d’Abdelmadjid Tebboune élu avec plus de 60% d’abstentions

« Dans la mesure où nous n’attendons aucun soutien de votre part, votre abstention aurait été moralement compréhensible pour le peuple algérien. Par contre, votre soutien affiché au régime algérien, un des plus liberticides de la Méditerranée, dévoile votre mauvaise foi et votre hypocrisie politique », avait déclaré dans un message publié sur le réseau social Facebook.

La dernière manifestation de cette volonté de nouer des liens par la force et contre nature avec l’Algérie dans un contexte de crise énergétique en Europe causée par la guerre entre l’Ukraine et la Russie, s’est faite en réduisant la presse au silence, le temps de sceller le deal.

L’Elysée n’a pas hésité à censurer la liberté de la presse et la liberté d’expression, deux grandes valeurs défendues ardemment en France, selon la presse française elle-même, revenue sur l’affaire de la déprogrammation à la dernière seconde d’une interview en direct sur CNews de Ferhat Mehenni, poète pacifiste Kabyle et président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie.

La presse française a indiqué que la France aurait subi des pressions directes de la part de l’Algérie pour faire déprogrammer Ferhat Mehenni qui avait pourtant été annoncé depuis une semaine.

Elle a ajouté que le président algérien Abdelmadjid Tebboune serait intervenu en personne auprès d’Emmanuel Macron, le menaçant de faire capoter la visite de sa Première ministre Elisabeth Borne, et que ce dernier aurait, au président du groupe Bolloré qui détient la chaine Cnews, de faire déprogrammer l’interview in extremis.

Sans même avoir besoin de la presse française pour avancer cette version, la vidéo filmée dans les coulisses de la chaine où l’on voit Ferhat Mehenni de dos et en face le journaliste de Cnews, Ivan Roufiol, qui discutent de cette censure insensée, prouve qu’il y a bien eu intervention au plus haut niveau.

Les deux hommes semblaient d’accord pour dire que l’hypothèse selon laquelle l’Algérie serait intervenue auprès de l’Elysée pour faire pression sur la chaine afin de le déprogrammer, est correcte.

https://twitter.com/OnEstAmazigh/status/1576821684245782528?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1576821684245782528%7Ctwgr%5E22a1c1267365b88952d87c9a2f48da04e046998a%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Ffr.hespress.com%2F283321-17-ministres-francais-en-algerie-jusquou-ira-la-france-pour-le-gaz-algerien.html

Le régime algérien intervenant dans la ligne éditoriale des médias privés de grande écoute en France est-elle la nouvelle réalité de la relation France-Algérie?

En tous cas, le cas de Ferhat Mehenni n’est pas isolé puisque Le Monde le même média qui a tiré à boulets rouge sur le Maroc dans l’affaire Pegasus, sans apporter de preuves de ses accusations, a aussi été censuré et forcé de présenter des excuses à ses lecteurs et au président de la République.

Le 2 septembre, soit quelque jours après la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, Le Monde a été contraint de retirer une tribune signée du chercheur Paul-Max Morin dont le titre: « Réduire la colonisation en Algérie à une ‘histoire d’amour’ parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle » évoque cette nouvelle relation entre les deux pays.

« Sidérante censure. ⁦Le Monde présente ses « excuses » au président de la République en supprimant la tribune ci-dessous qui critique la vision macronienne des relations franco-algériennes comme « une histoire d’amour qui a sa part de tragique » » a tweeté, Edwy Plenel, le journaliste français et co-fondateur de Mediapart.

Il ne fait aucun doute que l’intérêt de la France est de se procurer le gaz algérien de manière sûre et au meilleur prix, et c’est tout à son honneur. Un pays doit sécuriser ses besoins essentiels, mais aller jusqu’à se conformer aux exigences d’une voyoucratie et vouloir réduire au silence la presse, même étrangère, c’est du jamais-vu.

Le « démenti » dénué de sens publié par l’ambassade de France au Maroc pour nier les faits dans l’affaire de Ferhat Mehenni, pose problème.

« L’ambassade de France au Maroc a pris connaissance de déclarations à la presse et de commentaires dans la presse laissant entendre que les autorités françaises seraient intervenues auprès d’une chaine de télévision française pour qu’elle ne laisse pas s’exprimer l’un des invités d’une émission d’information. Elle dément formellement ces allégations », indique la représentation diplomatique à Rabat.

Pourquoi la France ferait-elle un démenti par rapport à une affaire où les faits sont clairs pour tout le monde? Pourquoi c’est l’ambassade de France au Maroc qui s’est exprimée sur cette affaire et pas l’Elysée? Pourquoi le démenti est adressé à l’opinion publique marocaine alors que toute l’affaire s’est produite en France, concernant un citoyen algérien, et que le Maroc n’est pas concerné? Pourquoi la France n’a pas fait de démenti auprès des médias français directement? Et pourquoi seulement au Maroc alors que l’affaire a été relayée dans le monde entier? Autant de questions qui méritent réflexion…

hespress

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