C’est une semaine décisive de tous les dangers qui s’annonce pour le Pays des hommes intègres. En effet, en moins d’une semaine, le Burkina Faso a connu une succession d’événements dont on peut se demander s’ils sont de nature à dénouer la crise protéiforme qui mine le pays ou bien plutôt à le faire plonger (encore) dans l’inconnu.
Il y a d’abord eu ce nouveau coup d’État dans le coup d’État. Le capitaine Ibrahim Traoré a renversé le 30 septembre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui-même arrivé par la force au pouvoir en janvier en renversant le président élu démocratiquement Roch Marc Christian Kaboré. Il a justifié son putsch par l’incapacité de son prédécesseur à juguler la dégradation sécuritaire continue dans ce pays frappé depuis 2015 par le djihadisme. Argument lui-même employé par le lieutenant-colonel Damiba pour justifier son coup d’État du 24 janvier contre le président Kaboré. Et il y a urgence. Le Burkina Faso est, aujourd’hui, un État au bord de l’effondrement avec de multiples crises qui se superposent.
Un pays au bord de l’effondrement
Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes. Plus de 40 % du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger. En plus de ce contexte sécuritaire et social tendu, le pays est également fracturé sur le plan politique, et au niveau de l’armée, la fracture générationnelle qui couve depuis 2014 et la chute de Blaise Compaoré a éclaté au grand jour à l’occasion du coup d’État du capitaine Traoré.
Pour autant, le nouvel homme fort du Burkina Faso veut aller vite et, pour cela, il a convoqué ce week-end la tenue les 14 et 15 octobre d’« Assises nationales » avec pour objectif de désigner un président de transition, avant l’organisation d’élections en 2024.
Officiellement désigné mercredi président, le jeune capitaine de 34 ans avait assuré peu après sa prise de pouvoir qu’il ne ferait qu’expédier « les affaires courantes » jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des « Assises nationales ». Ces Assises, dont le Burkina Faso est désormais coutumier, doivent rassembler notamment les forces politiques, sociales et de la société civile. Il a ensuite assuré que Ouagadougou continuerait à respecter ses engagements pris sous l’ancien pustchiste Damiba vis-à-vis de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.
Rese l’épineuse question de savoir qui pourra relever ces immenses défis. Le pays est fracturé sur le plan politique, une transition était en cours avec une charte laborieusement adoptée en mars et les partis politiques se préparaient aux prochaines échéances. Lundi dernier, L’Observateur Palgaa, journal burkinabè, titrait bibliquement : « Ibrahim, l’ami intime de Dieu, pourra-t-il nous sauver ? ». Et maintenant ?
L’urgence de la situation sécuritaire
Dans tous les cas, ces derniers mois, des attaques frappant des dizaines de civils et de soldats se sont multipliées dans le nord et l’est du pays sahélien, où des villes sont désormais soumises à un blocus des djihadistes. Le 26 septembre, une énième attaque meurtrière, revendiquée par Al-Qaïda, dans le nord du pays, à Gaskindé, a en particulier été perçue comme le catalyseur du dernier coup d’État.
Ce jour-là, un convoi de ravitaillement de plus de 200 camions à destination de la ville de Djibo, capitale de la région du Sahel enclavée dans le Nord, avait été attaqué par des hommes armés dont le mode opératoire ne varie jamais au Sahel : des centaines de combattants à moto et en pick-up équipés de mitrailleuses sortent abruptement de nulle part, fondent sur leur cible, tuent, puis s’évanouissent dans la nature. Au moins 37 personnes ont été tuées, dont 27 militaires et 10 civils. Une cérémonie militaire en hommage aux 27 soldats s’est déroulée samedi à Ouagadougou en présence d’Ibrahim Traoré. Les soldats ont été décorés à titre posthume dans l’un des principaux camps militaires de la capitale, le camp Sangoulé Lamizana.
La veille, Ibrahim Traoré a reçu le corps diplomatique en lui demandant de le soutenir pour « sauver notre patrie, nos terres, notre population ». Quelques jours après le coup d’État, il a rencontré une délégation de la Cedeao, venue évaluer la situation après deux jours de confusion au cours desquels l’ex-président de la transition Damiba s’était opposé à sa destitution. À l’issue de la visite, l’un des membres de la délégation, l’ex-président nigérien Mahamadou Issoufou avait dit qu’elle repartait « confiante » quant au respect des engagements pris.
LEPOINT