La mondialisation n’a pas dit son dernier mot

Malgré des reculs ponctuels, les interconnexions de diverses autres natures entre les nations continuent de se développer. Charge à nous d’en maximiser les effets positifs.

L’intégration économique semble avoir une inertie propre qui résiste même à de violentes attaques, comme les guerres commerciales. | geralt via Pixabay

La mondialisation semble à l’arrêt. Le protectionnisme de Donald Trump, le Brexit, les problèmes de chaîne d’approvisionnement dus au Covid-19 et l’agression criminelle commise par Vladimir Poutine ont mis fin à la vague d’intégration mondiale qui s’était énormément intensifiée après la chute du mur de Berlin, en 1989. Finalement, la chute des marchés boursiers et la montée des taux d’intérêt sonneront le glas de la mondialisation.

Quoiqu’à la mode, cette opinion est presque totalement injustifiée. D’abord du point de vue économique, mais aussi sur les plans social et culturel. On a pu voir, ces deux dernières années, à quel point la mondialisation s’est avérée résiliente.

Au cours d’une période exceptionnellement agitée, l’intégration économique et sociale du monde –les liens entre les pays– a étonnamment montré davantage de résilience que de fragilité. En effet, les données dont on dispose suggèrent que la crise financière mondiale de 2008-2009 et la grave récession qu’elle a déclenchée ont eu un impact plus négatif sur l’économie et la politique mondiales que les autres événements d’ampleur planétaire de la dernière décennie.

Le volume du commerce international a fortement augmenté durant la période d’hyper-mondialisation (1985-2008), passant d’environ 18% à 31% de la valeur totale du PIB mondial. La crise de 2008 a ramené ce chiffre à environ 28%. Depuis lors, c’est plus ou moins à ce niveau qu’il est resté malgré tous les chocs économiques et les bouleversements politiques de ces dernières années.

L’intégration économique n’a pas régressé partout
Le protectionnisme de Donald Trump a diminué l’intégration des États-Unis au reste du monde. Le commerce, qui représentait 28% du PIB américain en 2015, n’en constituait plus que 23% en 2020. Quant aux exportations britanniques vers l’Union européenne, elles ont chuté de 14% dans l’année qui a suivi le Brexit.

Mais ces baisses, aussi importantes soient-elles, ont été compensées par une progression de l’intégration économique en Asie de l’Est et en Afrique, où les liens et l’interdépendance entre les pays continuent de s’approfondir et de s’étendre.

La mondialisation repose sur la diffusion mondiale des idées, des attitudes, et la libre circulation des personnes autant que sur le commerce des marchandises.

L’intégration économique semble avoir une inertie propre qui résiste même à de violentes attaques, comme les guerres commerciales que Donald Trump a provoquées ou le vote des Anglais en faveur du Brexit. Selon Uri Dadush, un expert renommé en économie internationale, les barrières protectionnistes érigées ces dernières années ont eu un effet négligeable sur le commerce mondial.

Certes, les chaînes d’approvisionnement ont été soumises à des tensions et perturbations qui ont incité les entreprises à rapprocher certaines de leurs usines des marchés finaux. Il est clair que l’Europe subit aujourd’hui les douloureuses conséquences économiques de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Mais les chiffres indiquent que le résultat global net, même en tenant compte de ces changements importants, n’a pas été un recul de l’intégration économique.

Et puis, rappelons que la mondialisation va bien au-delà des échanges commerciaux. Elle repose sur la diffusion mondiale des idées, des attitudes, des philosophies et la libre circulation des personnes, autant que sur le commerce des marchandises. Et dans ce sens plus large, la mondialisation semble plutôt s’accélérer. Par exemple, TikTok compte 1,4 milliard d’utilisateurs répartis dans 150 pays.

Les vaccins anti-Covid, succès de la mondialisation
La science est un autre exemple de mondialisation dynamique et accélérée. Les scientifiques du monde entier rivalisent avec leurs collègues d’autres pays. C’est normal, contrairement à la rapidité avec laquelle ils ont réussi à agir et, dans certains cas, se coordonner pour mettre au point des vaccins contre le Covid-19, les produire à grande échelle et les distribuer dans le monde entier en un temps record, sauvant ainsi des millions de vies. Si cette opération mondiale a pu être une réussite, beaucoup d’autres pourraient suivre.

Bien sûr, la mondialisation n’est pas invulnérable et toutes ses conséquences ne sont pas positives. Les niveaux d’inégalité qui l’accompagnent sont inacceptables, par exemple. Si la guerre en Ukraine s’éternise ou –tragiquement– devient nucléaire, elle pourrait faire cesser les principaux approvisionnements en énergie, en nourriture et en engrais qui constituent l’épine dorsale de la mondialisation économique.Pire encore, une attaque militaire chinoise contre Taïwan pourrait anéantir une grande partie de sa capacité de fabrication de puces électroniques, paralysant ainsi un monde de plus en plus dépendant des technologies numériques.

De plus, dans un avenir proche, la cryptographie quantique pourrait rendre obsolète l’ensemble des systèmes de chiffrement (cryptage) qui existent actuellement sur internet. Cela provoquerait une grave crise de la cybersécurité qui mettrait un coup de frein à la mondialisation numérique.

Ces menaces aussi réelles que sérieuses se combineront à l’avenir. Dans le monde actuel, qui est plus profondément intégré qu’il y a dix ans –malgré les coûts, les dysfonctionnements et les accidents de cette intégration–, le défi consiste à savoir nous protéger des défauts de la mondialisation pour tirer le meilleur parti des possibilités qu’elle nous offre.

SLATE

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