Des scientifiques du NHS Blood and Transplant de l’Univesité de Bristol (Royaume-Uni) ont découvert un nouveau groupe sanguin « Er », qui résout plus de 30 ans de mystère. C’est le 44ème système de groupe sanguin connu à ce jour.
C’est un triste évènement qui a permis la découverte d’un nouveau système de groupe sanguin, le 44e connu à ce jour (voir encadré ci-dessous). Lorsqu’un bébé à naître a présenté des signes de détresse, l’équipe médicale de l’hôpital britannique où a été admise la mère a pris la décision de pratiquer une césarienne d’urgence et cela, plusieurs semaines avant le terme de la grossesse. Malgré les transfusions sanguines et les efforts de l’équipe médicale, le bébé est malheureusement décédé d’une hémorragie cérébrale. La raison de la mort du bébé n’était pas claire, mais en recherchant dans le sang de la mère, l’équipe médicale s’est aperçue de la présence d’étranges anticorps. Un échantillon sanguin de la mère a été envoyé à des chercheurs spécialistes à Bristol où ils ont fait une surprenante découverte.
Lorsque les anticorps de la mère attaquent les globules rouges du fœtus
Le sang de la mère est d’un type extrêmement rare, incompatible avec le bébé. Il est possible que des anticorps aient été produits par le système immunitaire de la mère contre le sang du bébé, traversant la barrière placentaire et causant sa mort. C’est typique d’un trouble rare nommé « maladie hémolytique du nouveau-né », lorsque les anticorps de la mère attaquent les globules rouges du fœtus, causant une hémolyse qui consiste en la destruction des globules rouges présents dans le sang de l’enfant.
Des dizaines de classifications de groupe sanguin
Les systèmes ABO et Rhésus sont les systèmes de classification des groupes sanguins les plus connus (et utilisés). Pourtant, il existe des dizaines de classifications des globules rouges selon les molécules qu’ils portent à leur surface, appelées antigènes. Les antigènes à la surface de nos globules rouges permettent de définir des groupes sanguins appartenant à des systèmes de classification. Grâce à ces antigènes, si quelqu’un reçoit du sang d’un donneur incompatible, le système immunitaire détecte ces antigènes comme dangereux et réagit contre eux. Cela peut être extrêmement dangereux pour le receveur entrainant une destruction des globules rouges et causant parfois une anémie (baisse anormale du taux d’hémoglobine dans le sang) qui peut être grave.
Une protéine qui porte les variations sanguines identifiée 40 ans après sa découverte
En 1982, des chercheurs découvrent la présence d’un anticorps inhabituel nommé Era dans des échantillons sanguins. L’anticorps était dirigé contre une molécule (antigène) inconnue qui avait incité le système immunitaire de la personne à le générer. Ils n’ont cependant pas identifié la base moléculaire de cet antigène ainsi que des deux autres antigènes de la collection de groupe sanguin Er (Erb, Erc). Des chercheurs spécialisés ont étudié des échantillons sanguins jugés « rares » au cours des 40 dernières années afin de déterminer cette base moléculaire et c’est ainsi qu’une dizaine de nouveaux groupes sanguins a été découvert en parallèle au cours de la dernière décennie.
En 2022, l’équipe de recherche du NHS Blood and Transplant dirigée par Nicole Thornton a identifié la base moléculaire de l’antigène Era découvert en 1982, qui demeurait inconnue. Il semblerait que ce 44ème groupe sanguin décrit dans la revue Blood soit lié à la protéine Piezo1, présente à la surface des globules rouges. Le gène responsable de cette protéine varie entre les personnes de différents groupes sanguins Er, entrainant la substitution de certains acides aminés constituant la protéine chez un nombre restreint de personnes. Ces variations génétiques sont à l’origine des différents antigènes du groupe Er (Era, Erb, Erc, Er4, Er5). En conséquence, les cellules sanguines dotées de la version la plus courante de la protéine Piezo1 semblent étrangères au système immunitaire de l’organisme. A ce jour, cinq variations de la protéine Piezo1 sont connues, pouvant entrainer des incompatibilités.
« La plupart des gens ont ce que nous considérons comme la forme « normale » d’Er, mais un petit nombre de personnes ont des formes modifiées, y compris les nouvelles formes que nous avons identifiées dans cette étude. Cette découverte résout le mystère, vieux de plus de 30 ans, de l’origine génétique de ce système de groupe sanguin (…). Plus nous en saurons sur ces variations rares du groupe sanguin, et plus nous serons en mesure de les tester et de les identifier, et meilleurs seront les soins que nous pourrons offrir à ces patients à l’avenir », explique Nicole Thornton, chercheuse au laboratoire international de référence des groupes sanguins du NHSBT et superviseure de l’étude.
Au New York Blood Center (Etats-Unis), des recherches sont également menées par une équipe afin d’identifier d’autres variations génétiques liées à ce système de groupe sanguin. Les scientifiques disposent d’échantillons sanguins supplémentaires provenant de personnes ayant un groupe Er rare et il est possible que d’autres mutations génétiques associées à ce sang rare restent à découvrir.
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