Le président du Conseil européen Charles Michel a annoncé, dans la nuit de jeudi à vendredi, que les dirigeants des Vingt-Sept s’étaient mis d’accord pour définir ensemble des mesures visant à endiguer les prix élevés de l’énergie pour les ménages et les entreprises. Mais la feuille de route reste à décliner et de nombreux points restent à trancher.
La guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie ont provoqué un choc sur les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité. Mais depuis février, l’Europe réagit avec lenteur, affaiblie par les intérêts divergents des États membres.
Si, à l’issue d’âpres tractations, le bloc a voulu présenter un front uni, de nombreux points restent à trancher, et les négociations s’annoncent difficiles.
« Nous avons désormais une très bonne feuille de route », a fait savoir la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Le président du Conseil européen Charles Michel a quant à lui évoqué « un accord sur un paquet de mesures » qui doivent désormais être « traitées de manière fine ».
Mais le chancelier allemand Olaf Scholz a clairement indiqué que si les ministres de l’Énergie n’arrivaient pas à s’accorder sur une version finale, un nouveau sommet des chefs d’État serait nécessaire.
« Message aux marchés »
Selon le président français Emmanuel Macron, les mécanismes envisagés pourraient être mis en œuvre « fin octobre, début novembre ». Il a estimé que les dirigeants avaient « envoyé de manière très claire aux marchés un signal de (leur) détermination et de (leur) unité ».
Selon les conclusions diffusées à l’issue de la rencontre, les chefs d’État et de gouvernement demandent à la Commission de leur soumettre « de façon urgente » des « décisions concrètes » sur un ensemble de mesures, dont des interventions pour dompter la volatilité des cours du gaz.
Les Vingt-Sept se sont mis d’accord pour favoriser les achats en commun de gaz à l’échelle de l’UE, avec l’idée qu’ils restent « volontaires » mais couvrent au moins un niveau-cible « obligatoire » de 15 % des objectifs de remplissage des stocks de l’UE pour l’hiver 2023.
Ils ont également appelé à « accélérer ses négociations » avec des pays producteurs « fiables » comme la Norvège et les États-Unis, pour « tirer avantage du poids économique » agrégé de l’UE plutôt que de se faire concurrence sur le marché mondial, au risque d’alimenter la fièvre des prix.
Outre une mesure d’encadrement du prix de gros dans les transactions de gaz naturel, les dirigeants demandent par ailleurs un projet précis de mécanisme « temporaire » pour plafonner les prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité – un dispositif déjà mis en place en Espagne et au Portugal et dont la France réclamait l’extension à l’ensemble de l’UE.
Mais, dans une concession faite à l’Allemagne, ce mécanisme devra être assorti de garde-fous pour « éviter toute consommation accrue de gaz ». Il devra aussi éviter que l’UE ne subventionne de l’électricité qui serait in fine exportée vers des pays voisins (Norvège, Royaume-Uni, Suisse…).
Interrogé sur le couple franco-allemand, moteur de la coopération européenne qui semble en panne, Emmanuel Macron a affirmé que son tête-à-tête avec le chancelier allemand avait permis de « clarifier beaucoup de choses ».
Quelques heures plus tôt, il avait estimé que Berlin jouait une partition solitaire, semblant rejeter sur les Allemands la responsabilité des difficultés européennes. « Je pense que ce n’est pas bon ni pour l’Allemagne ni pour l’Europe qu’elle s’isole (…). Notre rôle est de tout faire pour qu’il y ait une unité européenne et que l’Allemagne en fasse partie », avait-il indiqué. « Il est très clair que l’Allemagne a toujours agi de façon très solidaire », a répliqué Olaf Scholz.
Le chancelier avait été accusé d’égoïsme après avoir annoncé fin septembre un plan de soutien à 200 milliards d’euros pour l’économie allemande, non concerté avec ses partenaires.
C’est sans concertation avec Berlin que Paris a annoncé jeudi un projet d’infrastructure après des années de blocage : la France, l’Espagne et le Portugal ont annoncé un accord pour remplacer le projet de gazoduc MidCat par un pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille, destiné à acheminer du gaz puis de l’hydrogène vert.
À l’issue d’une douzaine d’heures de négociations entre les 27, Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont joué l’apaisement, ce dernier évoquant en particulier une relation « intense et fructueuse ». Les deux hommes doivent se retrouver mercredi à Paris.
AFP