Une étude récente estime la prévalence du Covid long à 6 %. Pourtant, l’estimation souffre d’une grande incertitude, ce qui pousse à redoubler de prudence face à ce résultat.
L’incertitude règne encore autour des formes longues de la Covid-19. Les scientifiques n’en connaissent toujours pas les causes même si plusieurs hypothèses sont à l’étude, les traitements sont inexistants pour l’instant avec de nombreux essais cliniques en cours et les patients se retrouvent souvent démunis face à des médecins qui ne connaissent encore pas très bien la maladie hormis celles et ceux travaillant au sein des cellules Covid. Le flou règne aussi sur le nombre de personnes réellement atteintes par cette pathologie et chaque enquête épidémiologique donne son estimation.
Un consortium de chercheurs a voulu estimer la proportion de personnes souffrant de Covid long parmi celles qui ont été infectées dans le monde à l’aide des données déjà à notre disposition.
À partir d’une grande quantité de données (10 études de cohortes, 44 revues systématiques, et 2 bases de données de santé) provenant d’une dizaine de pays, les auteurs de l’article vont estimer, à l’aide d’un modèle bayésien, la proportion de personnes ayant un Covid long dans la population mondiale. Concernant leur définition du Covid long, ils s’alignent sur l’Organisation mondiale de la santé : « L’affection post-Covid-19 survient chez des personnes présentant des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, généralement trois mois après l’apparition de la Covid-19 avec des symptômes qui persistent au moins deux mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic.
Les symptômes courants comprennent la fatigue, l’essoufflement, un dysfonctionnement cognitif, mais aussi d’autres symptômes qui ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien. Les symptômes peuvent être d’apparition nouvelle après un rétablissement initial à la suite d’un épisode de Covid-19 aiguë, ou persister depuis la maladie initiale. Les symptômes peuvent également fluctuer ou récidiver au fil du temps. » Les chercheurs ne donnent pas de détails précis sur leur modèle, ce qui pose problème car on ne parvient pas vraiment à savoir comment ils obtiennent leurs résultats.
Des résultats peu informatifs
En intégrant les données au modèle, ils estiment la prévalence de Covid long à 6,2 % exactement avec une proportion plus élevée chez les femmes que chez les hommes, ce qui a déjà été relevé par des études antérieures. Mais un point choque dans l’article : la largeur des intervalles d’incertitude (et non d’intervalle de confiance, qui est un concept fréquentiste). Daniel Commenges, fondateur de l’équipe biostatistques à l’université de Bordeaux et ancien chercheur, nous confie sa stupéfaction face à de tels résultats : « L’intervalle d’incertitude concernant l’estimation de la prévalence du Covid long est d’une largeur de 11 % ce qui rend l’estimation peu informative même si le résultat est exact. Il est curieux de constater un si grand intervalle dans une étude qui réunit les données de plus d’1 million de personnes. »
Pour l’ancien chercheur, cette étude est un exemple assez criant que le nombre de participants ne fait pas tout : « Les auteurs justifient la largeur de leur intervalle par l’hétérogénéité au sein de leurs données. À ce compte-là, une étude d’observation prospective où l’on suit une dizaine de milliers de participants pourrait être plus informative, à condition de ne pas perdre de vue les participants. » Un récent éditorial paru dans la revue Nature explique que les problèmes de définitions ainsi que la qualité et la validité des études sont à l’origine de ces résultats très discordants. Pour l’instant, il semble donc difficile d’avoir une idée précise du nombre de personnes souffrant vraiment de Covid long dans le monde.
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