Des ex-présidents de chambres congolaises du Parlement demandent l’application d’une loi de 2018 qui prévoit des privilèges ad vitam aeternam. Les organisations de la société civile grincent des dents…
Aux prémices du printemps démocratique des années 1990, un présidentiable ouest-africain surgi de l’extérieur du sérail politicien aurait résumé, en substance, le rapport du politique à la fortune : pour accéder au pouvoir, il faut de l’argent et pour accéder à l’argent, il faut être au pouvoir. Au-delà de présumés détournements de fonds publics ou d’accès à des fonds privés par conflit d’intérêt, l’équation est à deux inconnues : le montant des avantages pécuniaires et leur pérennité. Les débats y afférant sont récurrents en République démocratique du Congo (RDC)…
Les professionnels congolais du parcours politique n’hésitent d’ailleurs pas à ouvrir, en même temps, les deux fronts impopulaires des montants et de leur durabilité. Il y a moins de deux mois faisait rage la polémique sur le salaire des députés, qui sont réputés gagner 120 fois plus que la moyenne de leurs administrés.
En fin de semaine dernière, ce sont les anciens présidents des deux chambres du Parlement qui allaient rencontrer l’actuel responsable du Sénat pour évoquer les avantages « d’après ». Le sénateur en chef, Modeste Bahati Lukwebo, plaide pour la budgétisation, en 2023, des droits prévus par une loi controversée. Lesdits droits concernent des indemnités, des frais de logement, des soins médicaux, une garde policière, des titres de voyage ou encore l’accès à des passeports diplomatiques…
Sans espoir de come-back
Quant à la loi controversée, elle date de la fin de règne de Joseph Kabila. Destinée à mettre les anciens dignitaires – notamment présidents de la République, présidents du Parlement et Premiers ministres – à l’abri de la précarité, elle pourrait, si elle était appliquée, engloutir « pas moins de 20 % du budget national », selon les experts de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ). Peut-on lutter contre la pauvreté éventuelle d’anciens élus sans creuser les inégalités déjà flagrantes en RDC ? Chacun voit le midi des prochaines échéances électorales à la porte de ses propres chances de retour en politique. Et les retraités sans espoir de come-back ne semblent pas décidés à renoncer à ce que la loi prévoit.
Le statu quo actuel, voire le déni, ne profitent pas aux investissements sociaux à venir, les anciens présidents des deux chambres réclamant également le paiement des arriérés. Il appartiendra donc clairement aux législateurs, sous la vigilance de la société civile, de trancher entre l’application de la loi de 2018 et sa révision. Tout en sachant que l’aréopage actuel d’élus est composé, en partie, de futurs candidats censément tentés par une petite dose de populisme et, en totalité, de probables retraités à venir…
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