Le Syndicat de la riziculture française annonce qu’il pense avoir du mal à approvisionner la France en riz à partir du début de l’année 2023 et que, en tout état de cause, il faudra prévoir une augmentation de prix de l’ordre de 20 % pour cet aliment. C’est que l’on ne peut pas constater à la fois une accélération brusque des conséquences du réchauffement climatique et une guerre majeure en Europe sans que cela ait de multiples conséquences, en particulier dans nos assiettes.
En France, nous produisons certes un peu de riz en Camargue qui couvre, en gros, un quart de notre consommation. Nos habituelles et modestes 73 000 tonnes annuelles contribuent fort peu à la production mondiale qui elle dépasse les 500 millions de tonnes ! Et la récolte 2022 est mauvaise : elle a durement pâti de la sécheresse.
Il faudra donc augmenter nos importations, lesquelles couvrent déjà l’essentiel de nos consommations, venant de pays aussi divers que nos voisins, l’Italie et l’Espagne, ou bien plus éloignés, comme le Cambodge, la Thaïlande, le Pakistan ou l’Inde. Tous ces pays ont souffert durement cette année, qui de canicules et de sécheresses historiques, qui d’inondations épouvantables. Dans les deux cas, on constate ou on s’attend à des récoltes en forte baisse.
Chez nous, l’enjeu est relativement faible, puisque nous n’en mangeons qu’un peu plus de 5 kilos par personne et par an, bien loin de la moyenne mondiale qui est à 60 kilos. Dans certains pays, le défaut d’approvisionnement peut être carrément vital. Songeons que les Birmans, les Thaïlandais et les Vietnamiens en mangent plus de 180 kg/habitant/an, les Bengalis 160, les Malgaches 140, les Chinois 90 et les Indiens 65… et ils sont très nombreux !
L’effet papillon de la guerre en Ukraine sur la riziculture mondiale
Au-delà des effets délétères du réchauffement climatique, la guerre en Ukraine affecte aussi durement les approvisionnements en riz, même si l’Ukraine et la Russie n’ont pratiquement jamais produit un grain de cette céréale, et ce pour trois raisons.
D’une part, les marchés des différentes céréales sont très reliés les uns aux autres. Chaque mère de famille sait très bien que, lorsque le prix des nouilles augmente ou qu’elles manquent dans leur supermarché, elle propose facilement à la place une platrée de riz à ses enfants. Ce qui est vrai à l’échelle de la famille l’est évidemment aussi à l’échelle du commerce mondial et de la nourriture des animaux. Donc, les tensions importantes sur le marché du blé issues de l’incapacité de l’Ukraine à exporter ses productions 2021 et 2022, dopent la demande mondiale pour le riz et le maïs, et renchérit leurs cours.
D’autre part, par essence, le riz est une monoculture, puisqu’elle nécessite au préalable d’importants et coûteux travaux d’aménagements hydrologiques. Une fois que l’on a installé sur toute une colline de multiples terrasses connectées les unes aux autres, on n’alterne pas les cultures de riz avec celle de maïs, de canne à sucre, de haricots ou d’arbres fruitiers. Avec 2 à 3 récoltes annuelles de riz sur ces champs pendant plusieurs dizaines d’années, les terres s’épuisent et nécessitent d’être régulièrement revigorées par force engrais. Or, le prix mondial des engrais a triplé, en particulier parce que les engrais essentiels, azotés, sont très largement produits à partir de gaz russe, et que la Russie et la Biélorussie sont de gros exportateurs de potasse. On peut donc imaginer que nombre de paysans pauvres asiatiques ont épandu beaucoup moins d’engrais sur leurs rizières cette année, ce qui affecte nécessairement leur productivité.
Dernier aspect : en France, on n’aime pas le riz gluant, ce qui fait que, pour le durcir, la plupart des distributeurs étuvent le riz avant de nous le vendre, ce qui est très coûteux en énergie et va donc coûter beaucoup plus cher.
Pourquoi la baisse de production pourrait se prolonger
Tout cela étant établi, il convient quand même de garder notre sang-froid. Les Français consomment en moyenne un peu plus de 5 kilos de riz par an, c’est-à-dire une dizaine de paquets de 500 g par personne. Ces paquets, qui sont actuellement achetés autour de 2 euros vont probablement prendre 50 centimes d’augmentation. L’effet de toutes ces catastrophes mondiales sur notre pouvoir d’achat devrait donc être une augmentation autour de 5 euros par an et par personne. On n’aura pas faim en France à cause des inondations au Pakistan !
En revanche, nous ne pouvons qu’être très inquiets pour les ouvrières du Bangladesh qui gagnent un salaire de misère et consacrent 80 % de leurs revenus à acheter du riz, ou pour les Birmans, les Sri Lankais ou les Coréens du Nord, qui ont le malheur de vivre dans des pays gouvernés par des dictateurs incompétents, corrompus, et insensibles à leurs malheurs.
D’autant plus que cette baisse pourrait bien se prolonger : selon USDA (United States Department of Agriculture), la production de riz devrait baisser en moyenne de 2 % par an, en raison de l’évolution climatique… En fait, sur les 142 millions d’hectares de rizières en Asie, on estime que 16 millions sont menacés par la salinité, 22 millions par les inondations, et 23 millions par la sécheresse, et certaines parfois par les 3 successivement ! Par exemple, plus de la moitié du delta du Mékong au Vietnam, où vivent 17 millions de personnes qui assurent 50 % de la production agricole du pays, devrait être inondée en 2050…
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