La consommation de fruits et légumes « déréglée », à l’image du climat

Les endives dépérissent sur les rayons, les choux se rapatrient au frigo: dans une France baignée de douceur, les fruits et légumes d’automne peinent à trouver preneur et les producteurs souffrent.

Ce jeudi, les températures vont grimper jusqu’à 28°C dans le Sud-Ouest, une anomalie persistante en cet octobre, qui « sera sans doute un mois record en termes de chaleurs » pour Météo-France.

Sur le marché Cristal de Toulouse, « les clients demandent des fruits à jus comme les prunes, plus que des fruits vraiment de saison comme les pommes. Ils veulent encore moins des noix et des châtaignes », raconte à l’AFP Yves Hérisson, 60 ans, vendeur de primeurs venu de Gagnac-sur-Garonne, à 18 km de la Ville rose.

« En cette période, habituellement, on ferait davantage de potimarron, de poireaux », explique Nadim Attal, 55 ans, autre figure de ce marché.

Même constat à Strasbourg, où « c’est encore la saison des ratatouilles dans la tête des clients », se lamente Jacques Walter, primeur à Ostwald (Bas-Rhin), dont les choux, installés sur ses étals du marché de la place Broglie, ne trouvent pas preneur.

A la tête d’Interfel, qui rassemble tous les métiers des fruits et légumes, des producteurs aux distributeurs, Laurent Grandin décrit une filière mal en point: ses coûts de production se sont envolés, la sécheresse estivale a réduit les volumes, et la consommation, déjà freinée par l’inflation, se retrouve « en décalage ».

« On constate un dérèglement de la consommation, à l’image du dérèglement climatique », soupire-t-il.

Au printemps, la précocité des récoltes avait déboussolé les consommateurs, notamment urbains, qui cherchaient à consommer local et de saison et ont parfois renâclé à manger cerises et abricots dès la mi-mai. Cet automne ce sont les températures estivales qui freinent les achats de légumes de saison.

« Marché atone »
Cette douceur est à double tranchant. Elle peut avoir quelques avantages, en prolongeant la croissance des produits de plein champ comme les haricots ou les courgettes… Mais le manque d’eau persistant inquiète, notamment dans le nord-est et le sud-est du pays.

Le stress hydrique a favorisé cette année des productions précoces: des artichauts plus petits en Bretagne, des pommes de terre parfois rabougries au nord de la Loire. Les fruits sont arrivés souvent en abondance, mais « plus petits et plus sucrés, et donc plus difficiles à conserver », explique M. Grandin.

« Il fait tellement chaud qu’on voit des fissures dans l’épiderme des pommes: c’est la porte d’entrée pour les maladies. Les fruits pourrissent jusque dans les frigos », s’alarme Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) et productrice à Moissac (Tarn-et-Garonne).

« Le consommateur ne s’en rend pas compte parce qu’on fait le tri, mais nos pertes sont énormes, et on voit la consommation s’écrouler alors que nos coûts explosent », dit-elle.

L’exemple typique est la pomme: la production française va augmenter de 12% cette année mais « le marché est atone », selon une note du service statistique du ministère de l’Agriculture. Et les prix sont eux orientés à la baisse du fait de la concurrence des pommes polonaises, qui arrivent en France pour compenser la perte des marchés à l’est de l’Europe en raison de la guerre en Ukraine.

Une conjoncture explosive pour les producteurs qui se disent depuis des semaines « au pied du mur énergétique » face à la flambée du coût de stockage de leurs récoltes.

« Il faudra bien stocker ce que les gens n’achètent pas », relève Françoise Roch. Pour les pommes et les poires, qui doivent être conservées entre 0 et 8°C, elle redoute en 2023 des frais de stockage en augmentation de 400%.

Le pire, pour les producteurs, serait un hiver trop doux qui pourrait être suivi de gels fatals aux bourgeons. « Et sans coup de froid », prévient Mme Roch, « les arbres fruitiers repartent mal, avec de vilaines floraisons ».

AFP

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