Le parti politique de l’ex-Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu est arrivé en première place des élections législatives, mardi 1er novembre, sur le seuil d’une majorité avec ses alliés des partis religieux et de l’extrême droite pour former un gouvernement, d’après les dernières estimations.
Comme prévu, son parti le Likoud arrive en tête du cinquième scrutin en trois ans et demi. Mais ce qui était incertain jusque-là, c’est le score du bloc de droite. Et il semble que les alliés de Benyamin Netanyahu, à savoir les partis religieux ultraorthodoxes, et l’extrême droite, disposent d’assez de sièges pour pouvoir le porter de nouveau au pouvoir. En Israël, on vote pour élire 120 députés. Pour gouverner, il faut un minimum de 61 sièges. 61-62 sièges, c’est ce qu’obtiennent vraisemblablement Benyamin Netanyahu et ses soutiens, selon les estimations.
À l’annonce des premiers résultats, pas de triomphe dans le camp de Netanyahu, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Les militants du Likoud restent prudents. Leur candidat a gagné, mais son avenir politique dépend de ses alliés. Face à ces résultats, il faut faire preuve de prudence. Benyamin Netanyahu le dit lui-même, dans son discours face à ses militants cette nuit : « J’ai de l’expérience, j’ai fait quelques élections, nous devons attendre les résultats définitifs. » Le score est serré. Rien n’est encore joué, ni pour le bloc de droite, ni pour leurs adversaires du centre gauche.
Une seule certitude pour le moment, l’extrême droite israélienne fait une percée historique. Elle double le nombre de ses députés à la Knesset, le Parlement israélien. Raciste, homophobe, profondément anti-arabes, l’extrême droite israélienne est incarnée par deux personnages virulents : Bezalel Smotrich, du Sionisme Religieux, et aussi par le très médiatique provocateur : Itamar Ben Gvir. Les deux hommes ont uni leurs listes, et ils deviennent désormais la troisième force politique du pays.
Si les résultats définitifs sont conformes aux sondages, ils feront partie d’un gouvernement nationaliste avec à sa tête Benyamin Netanyahu. Dans leur ligne de mire, des portefeuilles importants. Bezalel Smotrich se voit en futur ministre de la Défense. Itamar Ben Gvir, souhaite l’Intérieur pour diriger la police. Ce dernier est devenu fréquentable, estime Michael Lev, un militant du Likoud : « Moi, j’ai entendu un Ben Gvir qui s’est adouci. Il s’est mis dans le cadre républicain comme on dit en français. On se met avec ceux qui sont avec nous. »
Les deux candidats d’extrême droite prévoient de réformer la justice. Ils veulent des juges aux ordres. « Quand un nouveau gouvernement se met en place, il veut imposer son agenda. Et des juges avec un agenda juif sioniste, ce n’est pas une honte », a déclaré Itamar Ben Gvir lors d’un meeting électoral, la semaine dernière.
Benyamin Netanyahu pourrait donc signer son grand retour aux affaires, alors qu’il est pourtant inculpé pour corruption, fraude et abus de confiance. « Ce n’est plus le temps de la justice, mais celui de la politique et de la démocratie, et le peuple a choisi son dirigeant », estiment les militants du Likoud.
Inquiétude dans le camp de Gantz
De son côté, après l’annonce des premiers résultats, Yaïr Lapid est imperturbable. Le parti de centre-droit de l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, crédité de 11 à 13 sièges. La tête haute, à 1h30 du matin, il s’exprime depuis la tribune : « Nous n’avons aucune intention de nous arrêter. Nous ne pensons pas suspendre notre voie… Tout citoyen israélien, religieux ou laïc, de gauche ou de droite, juif ou arabe, hétéro ou homosexuel, doit savoir ce soir que nous continuerons à lutter pour qu’Israël soit un État juif et démocratique, libéral et avancé. »
Devant lui, il y a une toute petite poignée de militants. La plupart refusent de parler, désabusés par la bascule d’Israël vers la droite dure et religieuse, explique notre correspondante à Tel Aviv, Alice Froussard. Yaraa Di Segni est une des porte-paroles du Yesh Atid : « Je suis inquiète de cette percée de Ben Gvir. Je pense que c’est une personne dangereuse, très extrême. Et on a vu une percée des opinions politiques extrémistes partout dans le monde, mais forcément, quand c’est chez soi, ça fait quelque chose. Et encore plus quand ce sont des jeunes gens qui ne connaissent pas grand chose de la vie, des jeunes de l’âge de mon fils qui votent pour lui, sans savoir ce que cela veut réellement dire. »
« Netanyahu semble prêt à payer très cher ce qui pourrait le maintenir au pouvoir, sans que ce soit la meilleure chose pour Israël », dit-elle. Et clin d’œil au scrutin dans d’autres pays, elle ajoute : « Peut-être que les choses doivent vraiment empirer avant qu’elle ne devienne meilleures »
L’enjeu du seuil de 3,25% pour les partis arabes
Les partis arabes, hostiles au bloc de droite de Netanyahu, avaient récolté un record de 15 sièges après une campagne dynamique sous une seule bannière en 2020. Mais cette fois, ils se sont présentés en ordre dispersé sous trois listes : Raam, Hadash-Taal (laïc) et Balad (nationaliste). Dans le système proportionnel israélien, une liste électorale doit obtenir au moins 3,25% des voix pour entrer au Parlement avec ainsi un minimum de quatre sièges, une situation particulièrement critique pour les partis de la minorité arabe israélienne.
Selon les sondages à la sortie des urnes, les partis Raam et Hadash-Taal devraient passer les 3,25%, tandis que la formation Balad flirte quant à elle avec ce minima. Si elle l’atteignait, cela retirait des sièges au « bloc de droite » de Benyamin Netanyahu avec le risque pour ce dernier de ne pas être en mesure de former un gouvernement.
Ce scrutin intervenait dans un climat de regain de violence en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, où les forces israéliennes ont multiplié leurs opérations ces derniers mois dans la foulée d’attaques anti-israéliennes meurtrières. Les opérations israéliennes ont fait plus de 120 morts côté palestinien, le bilan le plus lourd depuis sept ans.
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