« Monsieur Scholz, s’il vous plaît, n’allez pas en Chine »

Plus de 180 dissidents, qui se présentent comme « un groupe d’anciens étudiants, d’artistes, d’écrivains, de poètes et d’intellectuels chinois », demandent dans une lettre ouverte au chancelier allemand d’annuler son voyage, prévu en Chine vendredi [04.11.22].

En Allemagne, ce voyage a créé une polémique : Olaf Scholz doit-il ou non maintenir sa visite, la première d’un chef de gouvernement occidental à Pékin depuis le début de la pandémie de Covid-19 ?

Intérêts économiques
A chaque visite officielle de responsables politiques allemands en Chine, c’est la même chose : les esprits s’échauffent en Allemagne. Le voyage prévu par Olaf Scholz ne fait pas exception.

D’un côté, il y a ceux qui mettent en avant des relations économiques vitales avec la Chine, avec, parmi eux, de nombreux chefs d’entreprise.

La Chambre de commerce allemande en Chine célébrait hier [02.11.22] ses 25 ans d’existence. L’occasion pour elle de se féliciter de « l’échange politique » qui constitue « la colonne vertébrale des relations économiques », selon le président de la Chambre de commerce, Jens Hildebrandt. Pour lui, « il est toujours préférable de parler ensemble que de parler l’un de l’autre ».

Mais le récent congrès du Parti communiste chinois en octobre, qui a consacré le président Xi Jinping à la tête du pays, ainsi que les différents rapports faisant état de persécutions contre des minorités en Chine, apportent de l’eau au moulin des voix critiques. Celles qui réclament au chancelier de ne pas se rendre à Pékin, où il doit s’entretenir avec le président Xi Jinping et le Premier ministre, Li Keqiang.

La polémique Cosco à Hambourg
Cette visite éclair survient quelques jours après que les autorités allemandes ont finalement autorisé l’armateur chinois Cosco à racheter au maximum 25% d’un terminal à conteneurs du port de Hambourg (le plus grand d’Allemagne), contre 35% prévus initialement.

La polémique sur l’influence grandissante de la Chine en Europe a éclaté au sein même du gouvernement de coalition, du fait que Cosco détient déjà 67% du Pirée, le plus grand port de Grèce.

Or, depuis la guerre en Ukraine, les autorités allemandes sont déjà critiquées pour la trop forte dépendance de l’Allemagne à la Russie.

« Une dictature de style nazi »
Dans la lettre ouverte des 185 dissidents adressée à Olaf Scholz, les signataires comparent le pouvoir chinois à « une dictature de style nazi ».

Parmi eux se trouvent des personnalités et intellectuels de renom tels que Liao Yiwu, lauréat du Prix de la paix des libraires allemands ou un militant de la Place Tienanmen en 1989, Zhou Fengsuo.

Et ils ne se contentent pas de l’assurance d’Olaf Scholz de vouloir évoquer les « tendances autocratiques » de Pékin.

Douze représentants du secteur privé allemand accompagneront le chancelier à Pékin. Les grands groupes allemands comme ThyssenKrupp, Volkswagen ou BASF espèrent signer des contrats, tout comme le secteur de l’ingénierie mécanique ou certains groupes pharmaceutiques tels que BioNTech, qui a codéveloppé un vaccin anti-Covid.

Ce qui offusque Dolkun Isa. Le président du Congrès mondial des Ouïghours dénonce « un génocide » commis par les autorités chinoises contre son peuple dans le Xinjiang et estime que « la décision du chancelier d’emmener une grosse délégation d’hommes d’affaires avec lui montre que l’Allemagne continue de donner la priorité au profit plutôt qu’aux droits de l’Homme. »

L’Onu dénonce également les crimes commis par les autorités chinoises.

Fermeté face aux violations des droits humains
« On ne peut jamais exclure qu’il y ait du travail forcé derrière un produit fabriqué dans le Xinjiang », déclare de son côté Sabine Ferenschild, de l’ONG Südwind.

Et puis il y a la répression à Hong Kong et les menaces chinoises envers Taïwan.

Le directeur Allemagne de l’ONG Human Rights Watch, Wenzel Michalski, ne réclame pas, lui, d’annulation du voyage officiel. Mais qu’Olaf Scholz fasse preuve de fermeté. Selon lui, « le temps des paroles chaleureuses et du partage de nos « inquiétudes » est terminé. Et le chancelier a un outil efficace dans ses bagages : la future loi sur les chaînes d’approvisionnement. »

Cette loi, en préparation, prévoit notamment d’obliger les entreprises à veiller au respect des standards en matière de droits humains par leurs fournisseurs.

Pression au sein du gouvernement
Au sein du gouvernement fédéral aussi, le chancelier est sous la pression de ses partenaires des autres partis.

Elle-même en déplacement en Asie centrale (Ouzbékistan), la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a rappelé la position du gouvernement qu’on pourrait résumer ainsi : oui à la coopération économique mais attention au « rival systémique » qu’est en train de devenir la Chine.

dw

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