L’autrice Brigitte Giraud a remporté jeudi le Prix Goncourt avec « Vivre vite », un retour sur l’engrenage d’événements improbables ayant mené à la mort de son mari.
C’est en hommage à son mari tué dans un accident il y a plus de vingt ans que la romancière Brigitte Giraud a écrit « Vivre vite », sans imaginer un instant qu’il lui vaudrait le prix Goncourt.
Cette Lyonnaise native d’Algérie avait derrière elle une certaine expérience en littérature, mais peu de notoriété auprès du grand public. Et elle s’en accommodait très bien.
La liste est longue des professions qu’elle a exercées, après des études de langues (anglais, allemand, arabe) qui devaient faire d’elle une traductrice.
Libraire, pigiste, conseillère littéraire…
Elle l’aura été brièvement, pour l’industrie, mais c’est vers la culture qu’elle s’est tournée.
« J’ai été un peu libraire. J’ai travaillé comme journaliste, pigiste à Lyon Libération. Qu’est-ce que j’ai fait d’autre? Conseillère littéraire pour des festivals… J’ai été éditrice aussi à un moment. Et j’ai écrit une dizaine de livres: romans, essais, nouvelles », détaille-t-elle lors d’un entretien à l’AFP.
Jean-Marc Roberts, son premier éditeur chez Fayard en 1997, l’avait chargée de créer une collection chez Stock. Elle l’avait baptisée La Forêt, en hommage à une chanson de The Cure, A Forest.
Sinon, ajoute-t-elle, « j’ai pas mal voyagé en Angleterre, pour la musique, dans les années 80. J’ai vécu en Allemagne… Tout ce que j’ai pu pour m’éloigner ».
Comme elle l’écrit dans Vivre vite (paru fin août chez Flammarion), un « drame », une « catastrophe », le 22 juin 1999 à Lyon, coupe sa vie en deux. Ce jour-là son mari, Claude, démarre trop vite à un feu, avec une moto trop puissante qui n’est pas la sienne, tombe, et ne s’en relèvera pas.
« J’ai repris pied »
En 2001, elle avait raconté les semaines suivant cette mort dans « À présent ». Elle l’appelle « le livre de la sidération, de la déflagration, du fracas juste après ».
Car elle avait 36 ans, un fils très jeune, une maison qu’ils venaient d’acheter, dans laquelle elle a emménagé sans lui. Pour y commencer son deuil.
« J’ai vécu, j’ai publié des livres. J’ai repris pied, malgré tout, même si, dans ces cas-là, on devient quelqu’un d’autre », explique-t-elle aujourd’hui.
Elle a obtenu le Goncourt de la nouvelle 2007 pour le recueil L’amour est très surestimé. En 2019, elle a été finaliste du prix Médicis pour Jour de courage.
Dans l’enchaînement des fictions, cet accident attendait son heure.
« Je savais depuis longtemps qu’il faudrait que j’écrive le livre. Le livre qui soit à la hauteur de Claude, de notre histoire d’amour, celui qui embrasse tout ça et qui recherche la vérité, toutes les vérités », dit-elle. Mais « je n’aurais pas pu l’écrire avant une période de 20 ans, parce qu’il fallait que je sois à bonne distance ».
Effet domino
Quand il a été temps de vendre la maison de Caluire-et-Cuire à côté de Lyon, l’écriture est venue. Et avec elle, l’envie d’élucider certaines circonstances restées floues pendant de longues années.
Le récit, sobre, a été tout de suite bien accueilli par la critique, et a attiré l’attention de plusieurs jurys des prix d’automne. Comme dans l’accident, fruit d’une chaîne d’événements improbables, « il y a eu, là aussi, un effet domino ». Mais « là il s’est passé de belles choses ».
AFP