Dans les salles d’attente des entreprises de service, des administrations, des hôpitaux, dans les transports en communs, etc les clients et usagers font de plus en plus souvent preuve d’incivilités à l’encontre des employés. Mais même au sein d’une même entreprise, entre collaborateurs, près de la moitié des employés se plaignent des incivilités. Cette forme de violence doit être prise en compte, prévenue et pas uniquement en formant les employés à la gestion des incivilités. C’est l’ensemble de l’organisation de l’entreprise qui est impliquée. Certaines incivilités relèvent même d’une faute grave, la jurisprudence fournit de nombreux exemples.
Définition des incivilités
L’incivilité n’est définie dans aucun texte juridique. Elle correspond à un manque de respect, un manque de courtoisie, de politesse ou un comportement qui enfreint manifestement les règles de la vie sociale.
Une incivilité peut prendre la forme de violence verbale ou d’un comportement inapproprié, agressif ; En résumé, c’est tout ce qui va à l’encontre du vivre ensemble.
Dans le monde du travail, beaucoup de travailleurs en contact avec le public sont victimes d’incivilités.
Distinguer infractions et incivilités
Enquêtes : pourquoi les organisations doivent-elles s’emparer du sujet des incivilités au travail ?
De nombreuses enquêtes sont régulièrement conduites sur ce thème des incivilités
Top 5 des incivilités :
Top 5 des incivilités internes
- _laisser les espaces communs sales et en désordre,
- _gêner la concentration des autres collègues par des bruits,
- _ne pas dire bonjour ni au revoir,
- _couper ou accaparer la parole sans tenir compte des propos d’un autre collègue,
- _arriver en retard en réunion sans s’excuser.
Top 5 des incivilités externes des visiteurs
-
- n’attendent pas leur tour et ne respectent pas la file d’attente,
- gênent d’autres visiteurs et se croient tout permis,
- ne disent ni bonjour ni au revoir,
- font preuve d’irrespect par le regard ou la voix,
- vous tutoient sans réciprocité.
Résultats d’une étude conduite en 2015
L‘étude conduite en 2015 sur le thème des incivilités au travail pointe les éléments suivants.
- 42% des salariés sont exposés aux incivilités ( niveau stable par rapport à 2014)
- L’Open space (à 58%) et la collaboration en mode projet (à 52%) développent l’exposition aux incivilités.
- Les usages non régulés des outils numériques sont mis en cause :
- il est insupportable pour 1 salarié sur 2 qu’un collègue réponde au téléphone en réunion interne ( 65% parmi les plus de 55 ans),
- qu’un collègue écrive des SMS en entretien en face à face ( pour 76% des plus de 55 ans).
- 55% considèrent que les comportements incivils sont liés à l’âge,
- et pour 1 salarié sur 2, les salariés de 16 à 34 ans sont les plus incivils
- Métiers les plus exposés : les personnes les plus exposées sont celles
- travaillant à un guichet ou à l’accueil (77%),
- dans un commerce (66%)
- ou dans les services non marchands, comme l’éducation, la santé, l’action sociale et l’administration (50%).
- Les générations ne sont pas toutes également sensibles aux incivilités
- 3 générations cohabitent au travail : Y ( 20-34 ans), X ( 35-54 ans), 55 ans et plus,
chacune a ses propres codes de comportement qui peuvent provoquer des incompréhensions entre salariés,
voire un profond mal-être pour certains.
- Les nouvelles générations sont perçues comme les plus inciviles,
- mais dans le même temps ce sont les 20-34 ans qui se montrent les plus affectés par des comportements qui constituent une atteinte au respect de la personne,
- tandis que les plus de 55 ans réagissent plus vivement à des atteintes aux règles sociales (par exemple écrire des SMS en réunion en face à face)
- 3 générations cohabitent au travail : Y ( 20-34 ans), X ( 35-54 ans), 55 ans et plus,
- A propos des conséquences des incivilités sur la productivité et la santé des salariés,
c’est la génération Y qui semble la plus affectée et qui se dit alors démotivée par rapport au travail.
68 % des salariés se déclarent stressés ou anxieux dans un contexte d’incivilités chroniques .
Incivilité en lien avec le travail : devoirs et pouvoirs de l’employeur
Contrairement à d’autres formes de violences au travail, dont elles sont parfois annonciatrices, les incivilités sont moins spectaculaires mais constituent néanmoins une pression insidieuse. Le mal-être ou le stress chronique qu’elles peuvent entraîner impactent la santé psychique et physique des personnes les plus exposées ou les plus sensibles.
L’employeur doit prévenir la violence au sein de son entreprise, ne doit pas tolérer les incivilités entre collaborateurs et tout mettre en œuvre pour que ses employés ne soient pas victimes d’incivilités de la part des clients ou usagers dans le cadre de leur activité professionnelle (prévention, intervention et postvention sont indipsensables).
Pour les incivilités internes à l’entreprise, par exemple celles qui sont en en lien avec l’utilisation du smartphone : les entreprises doivent repenser le travail, la relation à l’autre dans le cadre de ces évolutions technologiques. En effet, l’utilisation intempestive des outils numériques virtualise les relations et dégrade le collectif de travail, alors que ces outils sont censés développer les pratiques collaboratives ; mais leur utilisation non régulée déstabilise les interactions entre personnes et produit donc l’effet inverse.
Vis-à-vis des incivilités entre employés qui témoignent réellement de violence, l’employeur peut exercer son pouvoir de sanction.
Conformément l’échelle de sanctions fixée dans le règlement intérieur, l’employeur a le pouvoir de décider de la sanction applicable.
Par exemple, des insultes proférées contre un salarié en visant son comportement et ses compétences en présence d’un membre du personnel, sont rattachées à la vie professionnelle et l’employeur doit agir.
Il est indispensable de tout mettre en œuvre pour que les employés ne soient pas victimes d’incivilités car elles dégénèrent souvent ensuite en conflit…
Incivilités et violences au sein de l’entreprise : lesquelles sont des fautes graves dans la jurisprudence?
Dans ces exemples de jurisprudence, l’incivilité a été considérée comme une faute grave.
Agressivité verbale à l’encontre d’un autre salarié de l’entreprise : arrêt n° 12-21-410 de la Cour de cassation.
Agressivité verbale totalement déplacée envers une autre employée du magasin
que même si cet incident a eu lieu après la fermeture de la boutique et dans la rue, il revête un caractère professionnel dès lors qu’il s’est produit au cours d’une conversation d’une durée comprise entre dix minutes et un quart d’heure concernant exclusivement leur travail, tenue entre cinq salariées du même magasin et qu’il s’est produit à quelque mètres de la boutique selon une précision apportée lors de l’enquête
Attitude irrespectueuse d’un supérieur hiérarchique, arrêt n° 10-16846 de la Cour de cassation
Dans le secteur de la grande distribution, attitude d’une responsable de caisse à l’égard des caissières qu’elle manage :
elle a été licenciée pour faute grave le 30 décembre 2006 en raison de graves problèmes de comportement et agissements inacceptables à l’égard de salariés travaillant sous sa responsabilité ;
a adopté un comportement irrespectueux, agressif, méprisant, voire humiliant, qualifié par certaines caissières de harcèlement moral
la faute grave est celle qui par sa nature et sa gravité fait obstacle au maintien de la salariée dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis
Attitude d’un employé vis-à-vis d’un supérieur hiérarchique, arrêt n° 13-16793 de la Cour de cassation
Des faits de menaces, insultes et comportements agressifs, commis à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d’un « challenge » national interne à l’entreprise et à l’égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachent à la vie de l’entreprise.
Ce comportement a été assimilé à une faute grave et a conduit au licenciement alors même qu’il s’est déroulé lors d’un voyage d’agrément organisé par l’employeur pour récompenser certains commerciaux.
Attitude violente d’un salarié mécontent de son planning : arrêt n° 14-12479 de la Cour de cassation
salarié, mécontent de son planning et sollicitant sa modification, avait provoqué une altercation violente, dont il ne contestait pas la matérialité et ayant pour seule origine son comportement agressif, injurieux et déplacé, a pu décider que ces faits constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise ;
Attitude nuisant à l’image de l’entreprise : arrêt n° 13-18717 de la Cour de cassation
Menaces et insultes sans qu’il y ait de blessures, contre son supérieur hiérachique dans son bureau , en présence d’un autre salarié et d’un client important de la société
qui a constaté que le salarié avait menacé son supérieur hiérarchique dans son bureau en présence d’un autre salarié et d’un client important de la société, a pu en déduire, par ces seuls motifs, que le salarié avait commis une faute grave empêchant son maintien dans l’entreprise
Relations entre métiers et prestataires de services : arrêt n° 13-22343 de la Cour de cassation
Madame X… et une autre salariée, Madame Y…, avaient bien échangé, à haute voix, des propos à caractère raciste à l’adresse de deux laveurs de vitres
ni l’ancienneté du salarié ni le caractère isolé des faits ne sont de nature à disqualifier la faute consistant pour le salarié à avoir tenu des propos ou proféré des insultes ou injures à caractère raciste sur son lieu de travail
Incivilités de la part de clients, d’usagers, de patients
Normalement en matière de prévention d’un risque, on tente avant tout d’éliminer le danger à la source mais bien sûr on ne peut pas supprimer les usagers ou les clients…Par contre on peut instaurer des mesures organisationnelles, qui doivent être connues de tous.
On peut identifier des facteurs de risques pour la violence au travail.
Il faut instaurer une véritable culture de la sécurité au sein de l’entreprise, prendre en considération l’ensemble de l’organisation de l’entreprise, afin que le collaborateur ne s’entende pas dire quand il a été victime d’incivilités : tu n’as pas fait ce qu’il fallait, c’est de ta faute, etc
Cette culture sécurité comporte toujours 3 phases : prévention, action, postvention.
La prévention de la violence au travail pourra concerner les locaux, la mise en place d’alarme afin de sécuriser les locaux, en cas d’agression, etc
Un comptoir d’accueil peut-être sécurisé, surélevé, muni d’une vitre, afin que l’employé se sente davantage en sécurité, moins exposé aux violences des usagers.
Des services d’urgence dans les hôpitaux ont ainsi créé des salles de repos pour les soignants des urgences, loin des regards des patients qui attendent, car les soignants se faisaient alors agresser verbalement, les patients ne comprenant pas que les employés des urgences prennent une pause de temps en temps…alors qu’il y avait beaucoup de personnes qui attendaient pour la consultation.
Il est également important que l’entreprise rappelle par écrit et diffuse à sa clientèle par exemple qu’elle ne tolère pas les incivilités, etc
Ces employés en contact avec le public doivent également être formés au désamorçage des conflits puisqu’il y a des personnalités difficiles parmi les clients et usagers ( Modèle de GLAZEL, qui a nommé les 9 étapes du conflit, ce qui permet de sortir de chacune de ces étapes), mais ce dispositif ne doit pas être le seul.
La postvention analyse ce qui s’est passé, où est-ce qu’il y a du potentiel d’amélioration. Il faut donc instaurer une procédure de déclaration des incivilités et toute autre forme de violence.
De l’irrespect quotidien au conflit
Répétés au quotidien, ces manquements au respect des règles élémentaires de la vie en collectivité contribuent à la dégradation des conditions de travail. Il n’existe pas de petites incivilités…
PMSE SA a invité des experts le 27 septembre 2016 à Genève pour débattre sur ce thème d’actualité.( Invitation gratuite sur demande)
Les incivilités sont une forme de violence au travail, elles sont omniprésentes, principalement chez les employés en contact avec des clients, des usagers. Leur multiplication sur les lieux de travail ainsi que les situations de tensions et de mal-être qu’elles sont susceptibles d’entraîner, constituent une préoccupation croissante des entreprises, des administrations et des collectivités, tous secteurs confondus. Effectivement, il ne faut pas laisser s’installer des incivilités entre collaborateurs, mais également entre collaborateurs et éléments externes à l’entreprise : chacun doit respecter l’autre. Il faut percevoir les situations dangereuses, prendre les employés au sérieux, ne pas banaliser et instaurer des mesures organisationnelles correctives.
atousante