Déforestation au Brésil : Carrefour toujours complice, dénonce l’ONG environnementale Mighty Earth

A worker carries salted meat which will be spreaded, dried and then packed at a plant of JBS S.A, the world's largest beef producer, in Santana de Parnaiba, Brazil December 19, 2017. REUTERS/Paulo Whitaker - RC1C012CF820

Récidive. Alors que l’ONG internationale Mighty Earth dénonçait déjà en septembre les liens étroits entre Carrefour et la déforestation au Brésil, le collectif publie un nouveau rapport ce vendredi, montrant que la situation n’a pas beaucoup changé. «Près d’un tiers des produits identifiés provient d’abattoirs s’étant approvisionnés auprès de fermes impliquées dans des pratiques illégales de déforestation et de feux», dénonce l’étude, arguant que les abattoirs dont Carrefour avait annoncé la suspension continuent d’approvisionner des enseignes Atacadão, rachetées par le géant français en 2007.

Le premier rapport publié par Mighty Earth il y a quelques mois comportait l’analyse de 102 produits répertoriés dans six magasins Carrefour, répartis dans six villes différentes du Brésil. Résultat : 72 % des produits identifiés provenaient d’abattoirs JBS, multinationale brésilienne numéro 1 du marché de la viande de bœuf, impliquée dans la déforestation de territoires autochtones. A la suite de cette publication, Carrefour a annoncé publiquement avoir suspendu de sa chaîne d’approvisionnement deux abattoirs de la région brésilienne du Rondônia, présentant un risque de déforestation. Le groupe a également promis la mise en place d’une politique de lutte contre ce phénomène.

85 produits d’abattoirs incriminés
Quelques semaines plus tard, Mighty Earth a voulu vérifier si Carrefour avait tenu ses promesses. Pour ce faire, l’ONG a analysé 310 produits carnés commercialisés dans dix magasins du groupe, répartis dans sept villes du pays, soit trois fois plus de produits qu’au cours de l’enquête précédente. Ainsi, l’étude montre que Carrefour n’a pas appliqué les suspensions promises à l’ensemble de ses magasins : 85 produits carnés proviennent des dix abattoirs JBS incriminés par les études de Mighty Earth et 12 articles proviennent encore des deux abattoirs du Rondônia, pourtant supposément suspendus.

Pour Carrefour, ces résultats sont le fruit d’un «dysfonctionnement». Cette erreur serait, selon le groupe, liée à la récente acquisition des magasins BIG, troisième acteur de la distribution alimentaire au Brésil, et de «leur intégration progressive au processus de commande». «Nous étudions si d’autres magasins peuvent être concernés et si d’autres processus peuvent expliquer cette situation, comme certains approvisionnements réalisés localement auprès d’entrepôts de JBS», affirme encore Carrefour. Reste que Mighty Earth demande au géant français de l’agroalimentaire de retirer immédiatement JBS de ses fournisseurs en viande bovine, avec effet immédiat, et pour l’ensemble du groupe.

L’Amazonie proche de se transformer en savane
L’Amérique latine et le Brésil sont devenus la locomotive financière du groupe Carrefour, avec un chiffre d’affaires régional en forte hausse. Dans le détail, l’enseigne Atacadão représente, en 2022, 72 % des ventes de Carrefour au Brésil. Ces grands magasins-entrepôts, qui vendent des produits amoncelés sur des palettes ou dans des cartons, sont plébiscités aussi bien par les familles modestes que par la classe moyenne. Le modèle fonctionne tellement bien que Carrefour prévoit d’importer l’enseigne Atacadão en France. Un premier magasin devrait même être inauguré en Île-de-France dès septembre 2023.

La déforestation de l’Amazonie brésilienne s’accélère et a atteint des records historiques sous l’ère Bolsonaro. Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, on estime que la déforestation moyenne annuelle a augmenté de 75 % par rapport à la décennie précédente. L’Amazonie s’approche inexorablement de son point de bascule, soit sa transformation en savane. Un tel évènement relâcherait à terme dans l’atmosphère 90 milliards de tonnes de CO2, soit deux fois les émissions annuelles mondiales. La plus grande forêt équatoriale de la planète est d’ores et déjà passée de «puits de carbone» à source de carbone nette, relâchant sur les dix dernières années 20 % de plus de CO2 qu’elle n’en a absorbé.

LIBERATION

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