Un diagnostic de cancer vient toujours avec de multiples questions difficiles. L’expert en oncologie médicale Bishal Gyawali explique les principes à connaître afin de prendre des décisions éclairées.
L’époque du « Docteur, faites ce que vous croyez être le mieux pour moi » disparaît lentement en oncologie. Le choix de traitements se diversifie et se complexifie, et les patients sont invités à jouer un rôle plus actif dans la prise de décisions concernant leur propre santé.
En tant qu’oncologue médical, je vois tous les jours des gens se débattre avec la myriade d’options qu’on leur demande d’envisager dans leur parcours de cancéreux. Ils doivent tenir compte du plan de traitement, des effets secondaires, de la qualité de vie et du pronostic. J’explique ci-dessous 10 principes en matière de santé qui, je l’espère, permettront aux patients et à leurs alliés d’être mieux informés et de participer activement à ces décisions de vie majeures.
Le critère d’évaluation est-il important pour vous ?
De nombreuses recommandations de traitement s’appuient sur des résultats d’essais cliniques. Cependant, ces essais mesurent parfois des éléments qui n’ont pas la même pertinence pour tous. Par exemple, pour un patient atteint d’un cancer avancé, le plus important est peut-être de savoir si l’intervention améliore la longévité ou la qualité de vie. Or, certains essais se contentent de vérifier si le médicament réduit la tumeur. Un rétrécissement de la tumeur n’entraîne pas toujours une vie plus longue ou meilleure. Il est essentiel de bien distinguer les avantages et les risques du traitement qui sont prouvés de ceux qui ne sont que présumés.
Mourir avec un cancer n’est pas la même chose que mourir du cancer.
Le diagnostic d’un cancer ne signifie pas nécessairement que ce dernier sera la cause du décès. Certains cancers progressent si lentement que d’autres causes — entre autres un accident vasculaire cérébral — peuvent entraîner la mort avant que le cancer devienne fatal. C’est également la raison pour laquelle de nombreux tests de dépistage du cancer ne sont pas toujours utiles. Par exemple, le dépistage du cancer de la thyroïde n’est pas recommandé, car bien que certaines masses thyroïdiennes puissent alors être détectées, elles ne sont pas forcément assez agressives pour générer des problèmes au cours de la vie du patient. Pour ceux chez qui un cancer métastatique a déjà été diagnostiqué, il est également inutile de subir des tests de dépistage d’autres cancers, car tout cancer nouvellement diagnostiqué risque d’être moins agressif que le cancer métastatique déjà existant.
Des personnes différentes ont des valeurs différentes.
Même lorsque la survie est le critère d’évaluation des essais, chaque personne y attache une valeur différente. L’importance de prolonger la survie de trois mois, malgré la toxicité du traitement, varie selon chaque patient. Certains peuvent préférer un compromis sur la survie s’ils peuvent passer la fin de leur vie avec les membres de leur famille et leurs amis. Les coûts cachés (déplacements vers les centres anticancéreux, temps, sommes dépensées, etc.) doivent tous être pris en compte dans la décision.
Il y a toujours des incertitudes en médecine.
En médecine, il est impossible de garantir les résultats individuels. Combien de temps allez-vous vivre ? Ce traitement vous sera-t-il bénéfique ? Il n’y aura jamais de réponses définitives à ces questions. Cependant, vous pouvez vous informer des résultats probables, tels que le meilleur et le pire des scénarios, ainsi que le plus courant. Cela vous aidera à choisir entre les différentes options proposées.
Les anecdotes, même nombreuses, ne sont pas des données.
Les titres des journaux à sensation tels que « Un nouveau médicament miracle guérit le cancer » reposent généralement sur une étude de cas portant sur une poignée de patients. Parfois, des célébrités font la promotion de certains tests ou traitements parce qu’elles pensent que ces interventions leur ont sauvé la vie. Le problème avec de telles histoires, c’est qu’il y a un biais de sélection — plusieurs milliers d’autres personnes qui se prêtent à un test ou un traitement semblables n’en tireront aucun bénéfice et pourraient même en souffrir. Or, ces personnes n’ont pas la motivation nécessaire pour exposer dans les médias la futilité ou les méfaits de ces interventions.
Il est important de se demander ce qui arriverait en l’absence d’intervention. Que se passerait-il si vous ne faisiez pas le test de dépistage, si vous ne subissiez pas l’opération ou si vous ne preniez pas le médicament ? Ces questions de type « et si » sont centrales dans la prise de décisions, et les réponses proviennent d’essais randomisés.
Il est difficile d’établir la causalité sans un essai randomisé.
Ces essais envoient de manière aléatoire la moitié des patients vers l’intervention et l’autre moitié vers les soins standards (le groupe témoin), puis on compare les résultats. Cette répartition garantit que les patients du groupe de l’intervention ne sont pas systématiquement différents de ceux du groupe témoin, on peut donc supposer que l’écart entre les résultats est dû à l’intervention, ce qui peut être vérifié statistiquement. Sans ces essais randomisés, il est difficile de dire si un résultat observé est attribuable à l’intervention ou au hasard. Ainsi, lorsqu’une intervention est recommandée, vous devez demander si elle a été testée dans le cadre d’un essai randomisé.
Statistiquement significatif n’est pas synonyme de cliniquement notable.
On lit souvent en manchette des journaux : « Le médicament X a amélioré significativement la survie par rapport au traitement standard ». Ici, le terme « significativement » veut dire généralement « de manière statistiquement significative », c’est-à-dire que la différence de survie est probablement attribuable au médicament plutôt qu’au hasard. Cependant, la prolongation de la survie pourrait n’être que de quelques jours. Elle pourrait être statistiquement significative et réelle, mais ne pas être notable du tout. Il est arrivé que des médicaments contre le cancer soient approuvés en raison de résultats statistiquement significatifs qui n’avaient aucune importance clinique, comme le fait de retarder la progression de la maladie de seulement trois jours !
Attention aux risques relatifs et absolus !
Un nouveau traitement contre le cancer prétend améliorer la survie de 50 %. Cela semble un avantage énorme à première vue, mais il pourrait s’agir simplement de prolonger la survie de deux à trois mois. De même, une déclaration soutenant que « seuls deux patients de l’essai ont souffert d’effets secondaires graves » pourrait concerner 2 patients sur 100, ce qui représenterait un risque de 2 %. Cette proportion est considérable lorsque le traitement est proposé à plusieurs milliers de patients.
Les décisions individuelles et celles qui touchent la population en général peuvent ne pas concorder.
Les décisions concernant des politiques doivent être prises pour le bien de la population en général et reposer sur des données. Cela diffère des décisions individuelles, qui peuvent être fondées sur des valeurs. Une personne peut considérer qu’un traitement toxique d’un an pour réduire de 5 % le risque de récidive du cancer vaut la peine, mais pour d’autres, cela peut sembler trop risqué pour un bénéfice trop faible. Un pays peut estimer que payer 100 000 dollars pour un mois de vie supplémentaire est excessif, alors qu’un individu peut penser que la vie humaine n’a pas de prix. Il est important de séparer les données des jugements de valeur, en particulier pour les décisions qui concernent la population en général.
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