Le grand plan climat de Biden nourrit les tensions entre l’Europe et les Etats-Unis

Le grand plan climat arraché par Joe Biden au Congrès américain est devenu un sujet de tension entre les États-Unis et l’Union européenne (UE), qui craint de voir certaines mesures affaiblir son industrie, au point d’en faire l’un des principaux sujets lors de la visite d’État du président français Emmanuel Macron, qui débute mercredi.
Quelles sont les mesures prévues par l’IRA ?

Axé principalement sur le climat et les dépenses sociales, le plan, baptisé « Inflation Reduction Act » (IRA), prévoit plus de 430 milliards de dollars d’investissement, dont 370 milliards afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030, soit le plus important effort jamais consenti par les États-Unis dans ce domaine.

Ces investissements prennent la forme de réductions d’impôt pour les entreprises qui investissent dans l’énergie propre, ainsi que d’importantes subventions pour les véhicules électriques, les batteries et les projets d’énergies renouvelables dès lors que ces produits sont fabriqués aux États-Unis.

Parmi ces mesures, une subvention de 7.500 dollars accordée aux ménages pour l’achat d’un véhicule électrique « made in USA », une autre en faveur des fabricants d’éoliennes et panneaux solaires utilisant de l’acier américain, ou encore une baisse d’impôt pour aider les entreprises à réaliser leur transition énergétique.

Pourquoi de telles réactions côté européen ?

L’IRA a fait bondir tant Bruxelles que les capitales européennes, qui voient les diverses subventions prévues par cette loi comme des mesures « discriminatoires », en particulier pour les constructeurs automobiles européens.

« C’est inacceptable pour l’UE. En l’état, ce texte est extrêmement protectionniste, au détriment des exportations européennes » a ainsi souligné fin octobre le ministre tchèque de l’Industrie, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, qui a cependant souligné la « bonne volonté des deux côtés » après une rencontre des ministres européens avec l’ambassadrice américaine au Commerce Katherine Tai.

Début novembre, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton a menacé Washington d’ »aller devant l’OMC » et dit envisager des « mesures de rétorsion » si les États-Unis ne revenaient pas sur des subventions qu’il estime « contraires aux règles de l’Organisation mondiale du commerce ».

« Dans certains cas, le montant des subventions que l’administration Biden propose est quatre à dix fois le montant maximal autorisé par la Commission européenne », a de son côté regretté le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a appelé la Commission à créer « des dispositifs de préférence européenne » ou à accélérer « l’utilisation des instruments de réciprocité ».

Le sujet sera sur la table à l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron à Washington.

« Nous comprenons totalement la volonté d’être plus indépendant des Etats-Unis », a assuré lundi un responsable français, « mais les problèmes viennent du fait qu’en Europe, nous n’avons pas ce type d’instrument discriminatoire. Nous respectons les règles de l’OMC en la matière. »

Il a rappelé que la France souhaitait que « l’Europe aussi, pas seulement les Etats-Unis, ressorte plus forte » de la période de crises multiples que le continent traverse.

Quelles marges de manœuvres pour amender l’IRA ?

Même si le président américain voulait revenir sur certaines mesures ou en élargir les bénéficiaires, ses options sont en pratique assez réduites, d’autant que les démocrates perdront en janvier leur majorité à la Chambre des représentants, résultat des élections de début novembre.

Mais il n’est surtout pas certain que Joe Biden souhaite retoucher ce symbole fort de son mandat, qu’il a arraché de haute lutte après d’intenses négociations au Sénat américain.

À l’origine, le démocrate de 80 ans espérait faire voter un programme encore plus ambitieux, le Build Back Better Act, qui prévoyait 1.700 milliards de dollars d’investissement et avait été voté fin 2021 par la Chambre, mais n’était pas parvenu à passer la barrière du Sénat.

Ces mesures sont par ailleurs très populaires, en particulier dans certains États où l’industrie automobile reste très puissante, comme l’Ohio ou le Michigan, qui sont désormais considérés comme des États clés, où les élections peuvent se jouer.

Washington veut cependant arrondir les angles avec leurs partenaires européens, a souligné lundi Katherine Tai à l’issue d’un échange à distance avec Bruno Le Maire, en appelant à « travailler ensemble afin de renforcer la compréhension commune de la législation ».

De son côté, le président Macron espère aller plus loin, en obtenant de son homologue américain « des exemptions pour un certain nombre d’industries européennes, peut-être sur le modèle de ce (l’administration américaine) consent déjà pour le Mexique et le Canada », selon un conseiller de l’Élysée. Ces deux pays voisins se sont vus intégrer parmi les bénéficiaires des avantages prévus après être également montés au créneau.

lequotidien.lu

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