Le gouvernement s’apprête à doper l’immigration qualifiée pour pallier les pénuries de main-d’oeuvre. Une main tendue aux libéraux du FDP, opposés à la naturalisation facilitée des résidents étrangers.
Un nouveau sujet de friction divise la coalition allemande. L’annonce par la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser (social-démocrate), d’un futur projet de loi pour simplifier les procédures de naturalisation a été accueillie avec le plus grand froid par le parti libéral FDP.
« Ce n’est pas le moment alors qu’il n’y a eu aucun progrès en matière de lutte contre l’immigration clandestine », a déclaré lundi le secrétaire général du FDP, Bijan Djir-Sarai, au quotidien régional « Rheinische Post ». Olaf Scholz a cependant apporté son soutien à la réforme de sa ministre, alors que l’UE se montre déterminée à agir contre ce phénomène. Un porte-parole de Nancy Faeser a précisé que la réforme n’était qu’une concrétisation des engagements pris par le gouvernement dans son accord de coalition .
Deux millions de postes vacants
Le chancelier a toutefois pris soin de lier cette réforme à un autre projet de loi sur l’immigration qualifiée. Ses grandes lignes, proches des exigences du FDP, seront adoptées en Conseil des ministres mercredi, a annoncé le chancelier. Ce second texte doit simplifier les démarches pour les profils les plus recherchés et introduire un système de points comparable à celui du Canada. Maîtrise de la langue, diplômes et âge des candidats seront ainsi pris en compte.
Aux yeux d’Olaf Scholz, faciliter la naturalisation complétera le dispositif en renforçant l’attractivité de l’Allemagne. Le chancelier rappelle que le pays compte le nombre record de 45 millions d’actifs après une hausse très vigoureuse ces dernières années. « Les deux tiers de cette progression sont dus aux immigrés sans passeport allemand », a-t-il observé. Et ce n’est qu’un début : le nombre de postes vacants est actuellement au plus haut, souligne le chancelier. A la fin du premier semestre, l’Agence fédérale pour l’emploi en recensait 2 millions.
Dans les grandes lignes, le projet que le SPD et les Verts espèrent finaliser le mois prochain prévoit de réduire de huit à cinq ans le délai au-delà duquel les étrangers résidant légalement en Allemagne pourront être naturalisés. Ils pourront en outre cumuler deux nationalités. L’interdiction de cumul de principe qui prévaut jusqu’à présent a déjà été assouplie et 69 % de personnes naturalisées ont deux passeports. Mais sa suppression devrait lever un nouveau verrou.
Un levier de cohésion
Globalement, sur 9 millions de personnes étrangères résidant en Allemagne, 5 millions y sont installées depuis plus de dix ans et sont donc déjà éligibles à une naturalisation. Mais le taux de personnes effectivement naturalisées chaque année se limite en moyenne à 2,2%, selon Petra Bendel, experte des questions migratoires et d’intégration et présidente de la commission indépendante qui accompagne le gouvernement dans ce domaine.
« Celui qui vit et travaille durablement ici doit pouvoir voter et être élu », soutient Olaf Scholz. Outre l’argument de l’attractivité, la participation à la vie politique « est un puissant moteur de légitimation de la démocratie », confirme Petra Bendel. Avec quelque 110.000 personnes naturalisées par an, l’Allemagne affiche un taux de naturalisation de 1 % des étrangers résidants dans le pays, contre 2 % en moyenne au sein de l’UE. Elle se situe ainsi dans le dernier tiers du tableau européen, à la 21e place, dix rangs derrière la France.
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