Il y a bien un lien entre les canicules subies par la France en 2022 et le réchauffement climatique

Les modèles de Météo-France sont formels : le changement climatique a exacerbé l’intensité et la durée des trois vagues de chaleur enregistrées entre juin et août 2022.

Le Centre national de recherche météorologique (CNRM) de Météo-France est formel. Ses modèles indiquent que les trois vagues de chaleur que la France a subies n’auraient pas eu cette intensité ni cette durée sans le coup de pouce des émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Pour déterminer cette influence, les chercheurs ont mené une « enquête d’attribution ». « Il s’agit de comparer des simulations climatiques depuis 1850, l’une sans augmentation de gaz à effet de serre, l’autre avec la hausse constatée des teneurs » résume Agathe Drouin, chercheuse au CNRM. Dans l’une des situations étudiées, les teneurs en CO2 sont restées autour des 280 ppm de CO2 des années 1850, dans l’autre elles ont grimpé jusqu’au chiffre actuel de 417 ppm.

Les dix années les plus chaudes Crédit : Météo France

A part 1994 et 2003, les années les plus chaudes jamais enregistrées en France sont toutes incluses dans la dernière décennie. Une preuve supplémentaire, selon les climatologues, d’un réchauffement en cours. © Météo France

Les chercheurs ont appliqué l’exercice aux trois épisodes de l’été. Du 11 au 15 juin, la première vague de chaleur est intervenue avec une précocité inédite. Elle aurait eu dix fois moins de probabilité d’arriver dans un monde à 280 ppm que dans l’actuel. Et elle aurait été moins intense de 1,6 à 1,8 °C. Selon le scénario médian d’une augmentation continue mais modérée des émissions dans les prochaines décennies, ce type d’épisode sera de deux à trois fois plus fréquent et gagnera 0,7 °C supplémentaire en intensité. C’est-à-dire que le temps de retour d’un épisode similaire estimé à vingt ans dans le climat actuel tombera à dix ans dans le climat de 2040 si rien n’est fait pour incurver la courbe des émissions.

L’été 2022 ne sera plus exceptionnel d’ici au milieu du siècle
Les deux épisodes de juillet et août auraient eu huit fois moins de « chances » de survenir dans le climat de 1850 et auraient été moins intenses de 2 °C. En 2040, la probabilité de survenue de tels épisodes sera deux fois plus importante avec une intensité supérieure de 1 °C. Les chercheurs ont considéré l’été en entier. Sur les quatre mois de juin, juillet, août et septembre, l’anomalie de température présente un écart immense de 3,78 °C. « Nous considérons qu’un tel événement aurait été impossible dans un monde non réchauffé par l’humain, assure Agathe Drouin. La période estivale que nous venons de vivre a été rendue 500 fois plus probable avec le changement climatique. » En 2040, ce type d’événement sera de cinq à sept fois plus probable, ce qui donne un temps de retour de dix ans, soit une configuration qui ne sera plus exceptionnelle.

Météo-France affine depuis dix ans ses méthodes d’attribution et les diffuse depuis 2020 dans une volonté d’apporter au plus grand nombre un éclairage sur ce qui nous attend dans les décennies qui viennent. L’organisme collabore ainsi avec le groupe scientifique du « World weather attribution », lequel avait émis dès octobre dernier son étude centrée sur la sécheresse des sols à l’échelle de l’ensemble de l’ouest de l’Europe. Selon ces travaux, les modèles d’observation de l’humidité des sols montrent que la sécheresse de l’été 2022 a une probabilité de retour de vingt ans dans le climat actuel. Faisant la différence entre la surface du sol et les premiers centimètres où se développent les racines des plantes, les chercheurs européens, britanniques, indiens et américains arrivent à la conclusion que le changement climatique va augmenter la probabilité de sécheresse de 3 à 4 fois pour la zone racinaire et de 5 à 6 fois pour la surface. Un sévère avertissement pour toute l’agriculture européenne…

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