Un réseau de proxénétisme transatlantique démantelé grâce à une coopération policière et judiciaire inédite

La police judiciaire française a démantelé cette semaine un réseau de proxénétisme, dirigé de Colombie, avec l’Espagne en base arrière, qui exploitait une cinquantaine de femmes dans l’Hexagone

Trois personnes ont été mises en examen et incarcérées après le démantèlement par la police judiciaire française d’un réseau de proxénétisme, dirigé de Colombie, avec l’Espagne pour base arrière, qui exploitait une cinquantaine de femmes dans l’Hexagone, et aurait pu empocher jusqu’à 30 millions d’euros par an.

Les trois suspects, deux hommes et une femme interpellés mardi dans le Haut-Rhin, ont été mis en examen notamment pour proxénétisme aggravé et traite des êtres humains en bande organisée, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, a indiqué une source judiciaire.

Un homme a été placé en détention provisoire. Le second homme et la femme ont sollicité un débat différé devant le juge des libertés et de la détention et ont été incarcérés dans l’attente de l’audience, a-t-elle ajouté.

Une femme interpellée avec eux est sortie de sa garde à vue sans poursuite à ce stade.

Au total, douze personnes ont été arrêtées simultanément en Colombie, en Espagne et en France en début de semaine.

« Cette affaire est historique, il s’agit d’un cas d’école, tant du point de vue du fonctionnement et de la dimension du réseau que de la qualité de la coopération internationale », s’est félicitée pour l’AFP la commissaire Elvire Arrighi, cheffe de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (Ocrteh) qui a piloté le dossier.

– Couple colombien –

« Ce démantèlement illustre parfaitement l’efficacité de la coopération judiciaire internationale sous l’impulsion de la Junalco » (Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée), a renchéri Vincent Plumas, porte-parole du parquet de Paris.

Le réseau, dont l’organisation était pyramidale, était aux mains d’un couple installé en Colombie – une Vénézuélienne et un Colombien – qui faisait miroiter aux victimes recrutées un avenir meilleur en Europe et récoltait les gains. Le couple a été incarcéré en Colombie.

L’information judiciaire, confiée depuis septembre 2021 à la Junalco, a été ouverte après des faits constatés dans les régions de Bordeaux, Nancy et Melun, selon la source judiciaire.

En septembre 2020, deux jeunes Colombiennes racontent à la PJ bordelaise qu’elles sont exploitées sexuellement. « L’Ocrteh est alors saisi, en partenariat avec la Colombie et l’Espagne » et bénéficie des fonds d’Europol, l’agence européenne de police, a détaillé Mme Arrighi.

Après deux ans d’enquête, une cinquantaine de victimes sont identifiées, âgées de 20 à 40 ans, « principalement des Colombiennes et des Vénézuéliennes, mais aussi du Pérou et du Paraguay », selon la commissaire.

Exploitées de manière « absolument industrielle », elles étaient « complètement isolées » car elles ne « parlaient pas français et étaient déplacées en permanence, ne restant jamais plus d’une semaine dans la même ville », a ajouté Mme Arrighi.

Au moment des interpellations, les « appartements prostitutionnels » se situaient dans le Haut-Rhin, le Nord, les Yvelines, en Gironde, en Seine-et-Marne et en Haute-Savoie.

– « Call centers » –

« Les nombreuses annonces, publiées sur internet où les services sexuels des femmes étaient offerts, provenaient d’Espagne », selon un communiqué de la police espagnole. Pensant discuter avec les prostituées, les clients joignaient en fait l’un des trois « call centers » installés en Espagne et en France, les standardistes fixant les rendez-vous.

Des « petites mains » s’occupaient de la logistique « au plus près des victimes » pour qu’elles « se dédient entièrement aux passes ».

Leurs gains, partagés à part égale avec les chefs du réseau, servaient d’abord à rembourser les frais avancés pour le voyage vers l’Europe puis soutenir leur famille au pays. « Elles étaient sous emprise car elles n’auraient jamais gagné de telles sommes, jusqu’à 250 euros par jour, en restant chez elles », relève la cheffe de l’Ocrteh.

Des collecteurs étaient chargés en France de transférer l’argent liquide en Espagne où il était blanchi, avant d’être viré en Colombie où les deux têtes du réseau menaient grande vie.

Le réseau aurait empoché au moins 5 millions d’euros par an, mais c’est « une fourchette basse », selon la cheffe de l’Ocrteh, les enquêteurs pensant que les bénéfices pouvaient atteindre « 20 à 30 millions d’euros ».

Les quatre hommes et deux femmes arrêtés en Espagne font l’objet d’un mandat d’arrêt européen et seront remis à la France prochainement. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire par un juge espagnol, a précisé la source judiciaire.

afp

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