PROCÈS SARKOZY: 3 ANS DE PRISON AVEC SURSIS REQUIS EN APPEL CONTRE L’ANCIEN PRÉSIDENT

Le ministère public estime qu’un pacte de corruption a bien été conclu entre Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, d’un côté, et Gilbert Azibert, un ancien haut magistrat, de l’autre.

Ce procès est « hors normes », rappelait encore ce mardi après-midi les avocats généraux qui ont requis dans le procès dit de l’affaire des écoutes.

Au terme d’un réquisitoire de plus de 3 heures, les deux avocats généraux ont demandé une peine de 3 ans de prison avec sursis à l’encontre de Nicolas Sarkozy, ainsi qu’une privation des droits civiques pendant 5 ans. Ils ont requis également 3 ans de prison avec sursis et 5 ans d’interdiction d’exercer contre l’avocat historique de l’ex-président Thierry Herzog, et 3 ans de prison avec sursis contre l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert.

Une atteinte portée « à l’indépendance de la justice »
Dès le début de ce réquisitoire à deux voix, la vision du ministère public sur cette affaire a été annoncée. « Je soutiendrai une confirmation du jugement attaqué concernant la culpabilité », a déclaré d’emblée l’avocate générale Muriel Fusina. Deux arguments, selon elle: l’affaire a porté atteinte à « l’intérêt social protégé: l’indépendance de la justice, principe fondamental, garantie de l’Etat de droit » et « la qualité des prévenus dont l’un a été institutionnellement, constitutionnellement, garant de l’intérêt que je viens d’évoquer ».

L’affaire des écoutes repose sur des interceptions des conversations entre Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog dans le cadre d’une autre procédure judiciaire concernant l’ancien président de la République. Les enquêteurs ont alors découvert que les deux hommes échangeaient via une ligne non officielle enregistrée au nom de Paul Bismuth. De nombreuses conversations portaient sur la procédure Bettencourt et le recours formé devant la Cour de cassation par Nicolas Sarkozy pour récupérer ses agendas présidentiels.

« T’as eu Gilbert? »
Sujet omniprésent de ces échanges, Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir obtenu des informations sur cette procédure par l’intermédiaire d’un haut magistrat alors en poste en 2014 à la Cour de cassation, Gilbert Azibert. En échange, Nicolas Sarkozy aurait donné un « coup de pouce » à ce dernier pour obtenir un poste convoité à Monaco. Au final, l’ancien chef d’Etat avait vu son recours rejeté et Gilbert Azibert n’a pas obtenu le poste.

Mardi dernier, pour la première fois, les écoutes en question avaient été diffusées devant la cour d’appel de Paris. la voix des trois protagonistes avait résonné dans la salle d’audience où des mesures de sécurité drastiques avaient été prises.

– « T’as eu Gilbert? », interroge Nicolas Sarkozy le 10 février 2014 en conversation avec Thierry Herzog. (…)
– « Je lui ai encore laissé un message, explique le lendemain l’avocat. Il va me rappeler, il ira à la chasse demain. Il en a vu un (conseiller de la Cour de cassation, NDLR) encore hier qui ira dans le bon sens. Il en aura vu trois avant qu’ils délibèrent. »

Quelques jours plus tôt, ce prénom était déjà évoqué:

– « Gilbert m’a parlé d’un poste à Monaco. Je lui ai dit ‘bien sûr, t’inquiètes pas, laissons pas ça’. Le poste se libère en mars, je lui ai dit ‘le président te recevra' », explique Thierry Herzog ce 5 février 2014.
– « Dis-lui que je m’en occuperai, là je vais à Monaco, je mettrai un mot », répondait alors Nicolas Sarkozy.

Une condamnation à un an de prison ferme en première instance
L’avocate générale a balayé l’un des arguments de la défense qui estime que ces conversations entre un avocat et son client sont soumis au secret professionnel. « Le secret professionnel de l’avocat ne saurait être absolu », a souligné Muriel Fusina, affirmant la « légalité » des écoutes, autorisées si elles laissent paraître « des indices de participation d’un avocat à une infraction ». Pour sa part, Nicolas Sarkozy a affirmé haut et fort depuis le début de ce procès en appel n’avoir jamais corrompu « qui que ce soit », parlant de « service » rendu à un ami, Thierry Herzog.

En première instance, il y a deux ans, le parquet national financier avait requis quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme, à l’encontre des trois hommes, avec une interdiction professionnelle de cinq ans pour Me Herzog. Le 1er mars 2021, le tribunal correctionnel avait choisi une peine plus légère: trois ans de prison dont un an ferme, avec l’interdiction requise pour l’avocat. Cette décision a néanmoins fait de Nicolas Sarkozy le premier ancien président de la Ve République condamné à de la prison ferme.

AFP

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