Le conflit dans les trois provinces de l’est de la République démocratique du Congo est de plus en plus inextricable.
En dépit des rapports des Nations unies, les différents acteurs n’assument pas leurs responsabilités. Les différents groupes armés sont pourtant accusés d’exactions. Ils sont plus d’une centaine toujours actifs en Ituri, dans le Sud-Kivu et le Nord-Kivu.
Les derniers massacres en date, perpétrés à Kishishe et Bambo fin novembre, ont fait au moins 131 victimes civiles, selon un rapport préliminaire de l’Onu. Les rapporteurs onusiens les imputent au M23. Mais hier, le président du mouvement du 23 mars, Bertrand Bisimwa, a nié toute implication dans ces violences et qualifié ces accusations de « propagande ».
Le déni des acteurs impliqués
Le Rwanda, accusé par les autorités congolaises, les services de renseignements étrangers et l’Onu, de soutenir le M23, réfute, lui, toute proximité avec le groupe armé du M23.
Même chose pour l’Ouganda, mis en cause pour son soutien au M23 dans un nouveau rapport qui sera présenté le 20 décembre au Conseil de sécurité.
Face à cela, un média proche des autorités rwandaises, le New Times, a publié une vidéo attribuée au M23 dans lequel des prisonniers, présentés comme des membres des FDLR venus du Rwanda, affirment qu’ils coopèrent avec l’armée congolaise.
Présents sur le sol congolais, les FDLR sont une rébellion de hutus opposés au pouvoir du président rwandais Paul Kagame.
Et même l’armée congolaise des FARDC est accusée d’exactions que le gouvernement a du mal à reconnaître.
Convergence d’intérêts criminels
Pour Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Ifri, ce déni n’est pas surprenant. Il rappelle qu' »il est rare qu’un criminel confesse ses exactions », au tribunal comme sur la scène internationale.
Dans l’étude « République démocratique du Congo : à l’est rien de nouveau », parue il y a quelques jours, que Thierry Vircoulon a menée avec Marc-André Lagrange, il ressort que l’instabilité dans l’est de la RDC entretient ‘une « économie de guérilla » basée sur un « extractivisme violent des ressources » qui profitent aux différents acteurs, que ce soit des groupes armés ou même des responsables politiques « … et des militaires », complète le chercheur.
Il poursuit : « Oui il y a une convergence d’intérêts des élites rentières de la région des Grands Lacs, qui concerne les pays à l’est de la RDC mais aussi le régime congolais, pour continuer à profiter de ces ressources naturelles dans l’est du Congo, et à les extraire par la violence, ce qui est considéré comme le mode normal d’exploitation économique dans la région par toutes ces élites. Même si elles ont des intérêts en compétition, mais elles se retrouvent sur ces méthodes d’extractivisme par la violence. »
Enquêtes et sanctions
Ce mode d’exploitation se fait aux dépens des habitants de la région, premières victimes des rackets, des kidnappings et autres exactions.
Vicar Batundi Hangi est le coordinateur national de l’ONG FDAPID, qui promeut le développement dans le Nord-Kivu avec les Pygmées et les populations indigènes défavorisées.
Pour lui, l’implication du Rwanda et de l’Ouganda sont de notoriété publique, alors il faut agir.
« La paix est possible. Si on veut que la paix soit garantie en RDC, il faut que les agresseurs cessent de croire qu’ils peuvent s’enrichir sur le sang des paisibles citoyens, arrêter tout appui aux groupes rebelles et notamment le M23. Et la communauté internationale doit faire la traçabilité de toute la chaîne d’approvisionnement de ces groupes rebelles, y compris les ADF, pour connaître le rôle de chaque Etat, chaque politicien dans cette situation qui écume la RDC. Et dès qu’on les a identifiés, qu’il y ait des sanctions. »
Lassitude contre l’impunité
Vicar Batundi Hangi appelle aussi à des enquêtes de la CPI pour pouvoir émettre des mandats d’arrêts internationaux.
Sauf que des sanctions existent déjà mais elles ne sont pas appliquées. Et hier, le M23 a déclaré qu’il ne se préoccupait pas de celles décrétées par l’Union européenne, par exemple.
Programmes de désarmement, riposte militaire… Thierry Vircoulon souligne que tout ce qui a été mis en place pour régler le conflit dans l’est de la RDC depuis les années 1990 a échoué : pour preuve, il en veut par exemple la résurgence du M23 pour la troisième fois.
Ce qui, selon lui, a provoqué une certaine lassitude au sein des instances internationales, de l’Union africaine au Conseil de sécurité. Alors même que le chercheur souligne que le problème congolais « ne pourra pas se régler au niveau national ».
Le ministère congolais de la Justice a fait savoir qu’une délégation du bureau du procureur de la Cour pénale international devrait se rendre en RDC début 2023. Une information que nous n’avons pas encore pu vérifier à La Haye.
dw