Covid-19 et perte d’odorat : la conséquence d’une réaction quasi auto-immune

Dans le nez des patients dont l’odorat ne revient pas après un Covid-19, des scientifiques découvrent une présence anormale du système immunitaire et une baisse des neurones olfactifs.

Ne plus pouvoir sentir l’odeur de ses proches ni une fuite de gaz dans la cuisine, c’est le quotidien de 80% des personnes atteintes du variant Delta du Covid-19, et environ 13% avec le variant Omicron. Si 95% d’entre eux retrouvent l’odorat dans les six mois qui suivent, certains doivent subir une longue rééducation. Pour espérer éviter l’anosmie (perte d’odorat) à de futurs patients, des chercheurs ont analysé les cellules présentes dans le nez de ceux qui en souffraient. La forte présence de cellules immunitaires en l’absence du virus lui-même laisse entrevoir des perspectives préventives, destinés à prévenir une inflammation destructrice de la muqueuse olfactive.

Moins de neurones olfactifs dans le nez des patients anosmiques
“Nous nous attendions à trouver des preuves de changements ou de dommages dans l’épithélium olfactif, mais ce que nous avons constaté sur le plan immunitaire nous a frappés”, raconte à Sciences et Avenir le Dr Bradley Goldstein, médecin ORL et chirurgien à la Duke University School of Medicine (Etats-Unis), et qui a dirigé ces travaux publiés dans Science Translational Medicine. Trois principaux types de cellules participent au bon fonctionnement d’une muqueuse olfactive saine. Les neurones sensoriels olfactifs détectent les odeurs et transmettent les signaux au cerveau. Placées entre les neurones, les cellules sustentaculaires forment une barrière protectrice. Derrière, les cellules basales fonctionnent comme des cellules souches de réserve. Elles sont activées pour aider à reconstruire l’épithélium olfactif après un dommage grave. Ces trois types cellulaires sont touchés chez les patients présentant une anosmie durable, observent les chercheurs.

Pour en arriver à cette conclusion, les scientifiques ont prélevé une biopsie (un échantillon) de la muqueuse olfactive de neuf personnes atteintes d’anosmie post-Covid depuis au moins quatre mois. Ils les ont ensuite comparées à celles de 15 personnes à l’odorat normal, ayant ou non été infectées par le virus. « Le tissu olfactif des patients souffrant d’une perte d’odorat de type Covid long contenait des cellules immunitaires uniques produisant des signaux inflammatoires », explique le Dr Goldstein. Elles contenaient également moins de neurones olfactifs que les autres.

Un processus presque auto-immun dans le nez
Les chercheurs constatent également la présence anormalement forte ou basse de certains types de cellules immunitaires, ainsi qu’une infiltration inattendue de globules blancs impliqués dans la destruction des cellules infectées ou altérées : les lymphocytes T. Le tout en l’absence de toute trace du virus lui-même. « Cela ressemble presque à une sorte de processus de type auto-immun dans le nez », analyse le Dr Goldstein. Dans une maladie auto-immune, le système immunitaire se retourne contre son propriétaire. « Il semble qu’il existe une réponse immunitaire locale non résolue, qui affecte les délicates cellules olfactives. »

Le mécanisme par lequel le système immunitaire causerait l’anosmie n’est pas encore éclairci. Pour le Dr Goldstein, les cellules immunitaires pourraient tuer ou altérer le fonctionnement des neurones olfactifs. « De plus, les signaux inflammatoires des cellules immunitaires pourraient altérer le processus normal de régénération des cellules basales olfactives, c’est-à-dire ralentir la production de nouveaux neurones olfactifs. »

Une récupération possible
Bonne nouvelle cependant, la plupart des patients ayant perdu l’odorat en avaient conservé une petite partie : ils étaient plus hyposmiques (odorat affaibli) qu’anosmiques (perte totale de l’odorat). « Cela signifie qu’il y avait au moins quelques cellules olfactives intactes », interprète le Dr Goldstein, et augure bien d’une potentielle récupération de leur odorat. « Par ailleurs, il semble que l’épithélium olfactif tente de se réparer. » Avec son équipe, il suggère le développement de potentiels soins en application locale qui permettraient, après une infection, de corriger l’équilibre et rétablir l’environnement local approprié des cellules immunitaires. Et, il l’espère, prévenir l’installation de l’inflammation et de la perte

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