Dans un contexte de réchauffement climatique, les images impressionnantes de paysages figés dans la glace soulèvent de nombreuses questions. Comment un froid aussi intense a-t-il pu se produire de manière aussi généralisée aux États-Unis alors que la Planète se réchauffe ? Cet évènement catastrophique ferait-il partie des dérèglements associés au changement climatique ?
L’espace de cinq à six jours, la vague de froid polaire qui a endeuillé les États-Unis a donné lieu à des températures glaciales de manière quasi généralisée : jusqu’à -45 °C au Montana et -20 °C sur la plupart des grandes villes de la région des Grands Lacs. La neige est tombée en abondance, plus d’1,20 mètre à Buffalo (État de New York), et l’eau des vagues a gelé contre les habitations côtières.
Il est tout d’abord nécessaire de le rappeler : un coup de froid, aussi intense soit-il, peut toujours se produire (en Amérique comme en Europe) malgré une tendance globale au réchauffement. La nuit polaire, qui ne dépend évidemment pas du réchauffement climatique, existe toujours, et est largement responsable du froid présent dans le vortex polaire (même si le climat se réchauffe). Le temps est heureusement toujours composé de variations météorologiques, avec des épisodes de chaleur et de froid. La moyenne de toutes ces variations de températures au cours d’une année donne une idée de l’état du climat d’un pays, même s’il faut préciser que le climat s’étudie sur une période d’au moins 30 ans.
Mais, en ce qui concerne 2022, la météo des États-Unis a une nouvelle fois été marquée par des records de chaleur au cours de l’été, le troisième plus chaud jamais enregistré, et une nette aggravation de la sécheresse sur les trois quarts du pays. Un évènement de froid glacial localisé sur un ou deux pays ne doit donc pas faire occulter la situation plus globale.
The US braces for extreme cold weather but other parts of the world – including Europe and the Arctic – are unusually warm. Please heed all warnings and stay safe.
Note that even in an era of climate change, we will still see cold weather.https://t.co/5bCBRoHfWj pic.twitter.com/6NlmFbuOos
— World Meteorological Organization (@WMO) December 22, 2022
La violence de la bombe météo (responsable des précipitations et du vent tempétueux) qui a touché les États-Unis est probablement liée au grand contraste de températures entre l’air froid du vortex polaire, et la chaleur des océans à proximité. Mais en ce qui concerne le froid en lui-même, selon certaines études récentes, l’intensité des vagues de froid pourrait être renforcée par le bouleversement actuel du climat mondial. C’est ce qu’affirme une étude parue en 2016 dans Journal of Geophysical Research: Atmosphere : le changement climatique augmenterait la possibilité d’épisodes de froid extrême à l’est des États-Unis, alors qu’il provoquerait un hiver plus doux dans les États de l’ouest. Une autre étude parue en 2018 dans Nature explique que le réchauffement de l’Arctique provoque des hivers plus extrêmes sur l’Amérique du Nord.
Crystal Beach looks like it's straight out of the Disney movie Frozen ❄️🥶🧊
This lakeside community in Fort Erie, Ontario is close to the US border of New York State and the city of Buffalo which has been especially ravaged recently by lake effect snowstorms. #flashfrozen pic.twitter.com/bxtpnw9N8o
— John Sitarek (@JohnSitarek) December 29, 2022
- un jet-stream chamboulé : de nombreuses recherches climatologiques se focalisent sur l’impact du réchauffement dans les variations du jet-stream. Ce courant de haute altitude, qui marque la limite entre l’air froid et l’air chaud, serait affaibli par la chaleur : il se déformerait, avec des méandres de plus en plus grands, laissant remonter des masses d’air chaud ou descendre des masses d’air froid de manière plus étendue et plus durable. Au cours de cette vague de froid nord-américaine, le jet-stream a en effet plongé très au sud, permettant au vortex polaire de descendre sur la quasi-totalité des États américains ;
- une surchauffe des pôles qui déplace le vortex polaire : la surchauffe de l’Arctique provoquerait le décrochage du vortex polaire vers le sud, un sujet controversé qui ne fait pas consensus parmi les climatologues. La différence de températures entre l’est et l’ouest du pôle Nord provoquerait un affaissement de cette masse d’air froid, qui aurait alors davantage tendance à s’affaisser au cours de l’hiver ;
- la chaleur anormale des Grands Lacs : si le lien entre le froid glacial et le réchauffement planétaire n’est pas bien compris, celui entre ce même réchauffement et l’abondance des chutes de neige à l’est des États-Unis fait l’unanimité. L’eau anormalement chaude des Grands Lacs américains est responsable d’un « effet de lac » plus intense. L’effet de lac, ces chutes de neige abondantes accompagnées de vents violents, est issu d’un contraste de températures entre l’eau des lacs et la température de l’air. Plus ce contraste est important, plus cet effet de lac est violent, et c’est exactement ce qui s’est produit fin décembre dans la ville de Buffalo, par exemple.
L’EFFET DE LAC, PHÉNOMÈNE RESPONSABLE DES CHUTES DE NEIGE ABONDANTES PRÈS DES GRANDS LACS, EST LIÉ À LA CHALEUR DE L’EAU.
Même si le lien entre réchauffement climatique et vagues de froid au Canada et aux États-Unis n’est pas encore totalement compris, la hausse des températures à l’échelle du globe a apparemment bien une influence sur tous les extrêmes météorologiques.
futura