L’étrange silence d’al-Qaida sur le successeur du défunt al-Zawahiri

Son fondateur, Oussama Ben Laden, avait incarné le jihad mondial et inspiré une génération d’activistes. Depuis cinq mois, al-Qaida est pourtant privé de figure tutélaire et s’abstient d’admettre la mort, annoncée par Washington, de son chef Ayman al-Zawahiri. Le 2 août dernier, le président américain Joe Biden avait annoncé avoir tué le jihadiste égyptien en Afghanistan par une frappe de drone.

Depuis, les médias officiels de la centrale jihadiste continuent de diffuser, comme la semaine dernière, des messages audio ou vidéo non datés du peu charismatique leader à la longue barbe blanche. Sans confirmer, ni infirmer sa mort.

«C’est vraiment bizarre. Un réseau ne fonctionne qu’avec un leader. Il faut une personne autour de laquelle tout s’articule», observe pour l’AFP Hans-Jakob Schindler, le directeur du centre de réflexion indépendant Counter-Extremism project (CEP). Toutes les options ou presque restent ouvertes. «Il se pourrait bien sûr que les États-Unis aient tort à propos de sa mort», relevaient début décembre les chercheurs Raffaello Pantucci et Kabir Taneja sur le site Lawfare.

Ils rappelaient que les annonces de l’exécution de cadres jihadistes majeurs, réapparus ensuite, avaient déjà frappé les Occidentaux. «Cela semble improbable vue la confiance avec laquelle le président Biden a évoqué la frappe», relevaient-ils pourtant.

Hypothèses multiples
Autre hypothèse, le groupe aurait échoué à contacter le successeur présumé de Zawahiri, son ex-numéro deux, Saïf al-Adl. Cet ancien lieutenant-colonel des Forces spéciales égyptiennes s’était engagé dans les années 1980 au sein du Jihad islamique égyptien (JIE). Arrêté une première fois puis relâché, il avait gagné l’Afghanistan et rejoint al-Qaida, à l’instar de Zawahiri, dont il était devenu le numéro deux.

Mais al-Adl est régulièrement décrit comme se cachant en Iran, la république islamique chiite n’affichant guère de sympathie pour le mouvement ultra-radical sunnite. Il «vit clairement dans un environnement dangereux et contraint», assuraient les deux chercheurs. Pour Hans-Jakob Schindler, «Saïf est une responsabilité mais aussi un atout pour le régime iranien». Téhéran pourrait, au gré de ses intérêts, le livrer aux Américains ou au contraire le laisser les frapper.

Autre scénario encore, le silence d’al-Qaida serait imposé par les talibans. Zawahiri a été abattu dans un quartier cossu de Kaboul, où les maîtres de l’Afghanistan ne pouvaient ignorer sa présence.«Leur décision de ne pas commenter (son exécution) pourrait relever de leurs efforts pour gérer leurs relations fragiles mais profondes avec al-Qaida», tout en ménageant Washington à qui ils ont promis de ne pas laisser le groupe agir à sa guise. Al-Adl pourrait aussi être mort. Ou se terrer, pour éviter le sort de son prédécesseur et des deux chefs du groupe jihadiste rival et ennemi juré État islamique (EI), tués à huit mois d’intervalle en 2022.

À l’évidence, rien n’est limpide au sein d’une organisation désormais bien différente de celle qui a perpétré les attentats du 11-septembre 2001 aux États-Unis.

afp

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