Afrique-Corée du Sud : au rythme des arts martiaux

Les arts martiaux suscitent un intérêt croissant sur le continent, notamment grâce aux performances des athlètes africains sur la scène internationale. Les taekwondistes ivoiriens Cheick Cissé et Ruth Gbagbi ou encore la karatéka égyptienne Giana Farouk ? pour ne citer qu’eux ? sont devenus des modèles inspirants pour beaucoup de jeunes. La pratique des arts martiaux peut-elle devenir un moteur de développement en Afrique ?

Créé en 2016, le Centre international des arts martiaux pour le développement et l’engagement des jeunes sous l’égide de l’UNESCO (ICM) a pour mission d’encourager la culture du leadership et l’émancipation des femmes à travers la pratique des arts martiaux et les valeurs qu’ils véhiculent. Fin octobre s’est tenue la 5e édition de l’African Martial Arts Congress à Chungju, en Corée du Sud, où se situent les locaux de l’ICM.

Elle a réuni une cinquantaine d’experts venus des États membres de l’Unesco en Afrique, des bureaux régionaux de l’organisation internationale, des commissions nationales, des organisations internationales et régionales, spécialisés dans l’éducation des jeunes et l’autonomisation des femmes. Le but du congrès était de créer des partenariats stratégiques entre l’ICM et l’Afrique et de renforcer le réseau des arts martiaux sur le continent.

Les arts martiaux pour promouvoir la paix ?
Les films d’action chinois ont contribué à faire connaître les arts martiaux sur le continent. Mais la façon dont ils étaient parfois représentés est aussi à l’origine de certains préjugés comme l’idée que les arts martiaux encouragent la violence, que leur pratique serait inappropriée pour les femmes et pour les adultes, a expliqué le Dr Bella Bello Bitugu, professeur à l’Université du Ghana et membre du conseil d’administration de l’ICM.

L’ONU reconnaît le sport comme un outil important pour la paix et pour le développement durable et l’ICM estime que les arts martiaux peuvent justement aider à renforcer cette culture de la paix et de la non-violence.

Pour les publics vulnérables, comme les jeunes ou les femmes, c’est d’abord un moyen de se défendre. Par ailleurs, la plupart des intervenants du congrès ont rappelé les valeurs des arts martiaux et leurs bienfaits sur la santé physique et mentale : respect, maîtrise de soi, concentration, résilience, estime de soi, autodiscipline, patience, confiance en soi, etc.

Dans sa présentation, Sanko Lewis, professeur à l’Université de Sahmyook (Corée du Sud) a abordé l’aspect diplomatique des arts martiaux, en prenant l’exemple du taekwondo, « utilisé spécifiquement pour la diplomatie entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ». En 2018 et 2019, une série de performances organisées avec les équipes de démonstration de taekwondo des deux Corées ont suscité un regain d’intérêt pour le dialogue entre Pyongyang et Séoul, ainsi qu’entre Washington et Pyongyang, « trois adversaires coincés dans une impasse de 70 ans ».

Des actions concrètes sur le terrain
L’ICM ?uvre, entre autres, au développement des arts martiaux dans le monde à travers différentes initiatives comme les Martials Arts Open School, lancés en 2017. Il s’agit de séances de formation où les jeunes vont s’initier à un art martial pendant plusieurs semaines. Au total, plus de 2 500 jeunes et de femmes ont participé à ce programme. Sur le continent, des Martials Arts Open School ont été mis en ?uvre dans six pays dont le Kenya, le Ghana, le Soudan, la Sierra Leone, le Malawi et le Rwanda.

Jean-Claude Rugigana, chef de projet de l’Open School organisée à Kigali en collaboration avec la fédération de karaté du Rwanda était présent pour exposer les bénéfices d’un tel programme. Du 11 juin et 14 juillet 2022, 442 élèves dont 305 filles âgés de 12 à 16 ans, ont donc participé à ce MAOS qui a inclus des sessions sur les valeurs olympiques. Au final, 232 jeunes (dont 174 filles) sont allés au bout de la formation et chez certains, cette expérience a éveillé des rêves de compétition.

« Ce programme contribue à atteindre les objectifs de développement durable (ODD) 3 [bonne santé et bien-être* NDLR], 4 (éducation de qualité), 5 (égalité des sexes), 8 (travail décent et croissance économique) et 10 (inégalités réduites). Mais si vous utilisez cette plateforme à bon escient, vous pouvez promouvoir plus de ODD que ceux mentionnés [?] ou trouver différentes solutions aux problèmes auxquels le monde est confronté, et en particulier les jeunes », a fait valoir Jean-Claude Rugigana.

Vers un plan d’action durable
Les freins au développement des arts martiaux ont été examinés, notamment le manque d’instructeurs qualifiés et le problème des équipements. Avant la sportivisation des arts martiaux, ces disciplines pouvaient être pratiquées à moindre coût, sans infrastructure ni matériel particuliers. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui.

Ce 5e African Martial Arts Congress représente une étape importante pour l’ICM. La première édition du congrès s’était déroulée au Kenya en 2018 et la suivante au Ghana. En 2020 et 2021, les congrès suivants ont eu lieu en ligne, à cause de la pandémie de Covid 19. « Les précédents congrès ont présenté le statut des arts martiaux africains et discuté du rôle et des challenges des arts martiaux pour les jeunes et les femmes en Afrique, ainsi que du rôle de l’ICM?, a rappelé Chang Hyun Park, le secrétaire général de l’UNESCO ICM.

« Sur la base de nos expériences complémentaires et du savoir-faire de nos programmes majeurs tels que l’animation des Martial Arts Open School en Afrique, l’organisation de conférences sur les arts martiaux, la conduite de recherches universitaires par des groupes professionnels et l’écoute de conseils et les consultations d’experts en Afrique, nous sommes sur le point de développer de nouveaux projets durables sur le terrain. »

Véritable plateforme d’échanges, l’African Martial Arts Congress 2022 a permis à l’ICM de définir son orientation et ses futurs objectifs de façon plus pragmatique. De nombreuses propositions ont été émises lors de ces discussions et elles ont abouti à des accords, sur, notamment, l’égalité des sexes, la préservation des arts martiaux traditionnels d’Afrique et la mise en place de partenariats stratégiques.

lepoint

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