Le régime algérien a beau se livrer à des circonvolutions diplomatiques pour maquiller sa crise actuelle avec la Russie, il ne parvient pas à camoufler les énormes défis que procure son soutien à la machine de guerre de Vladimir Poutine.
Deux indications récentes révèlent l’immense gêne du régime algérien à l’égard de Moscou. La première est l’annulation, dans une grande confusion, des manœuvres militaires communes entre l’Algérie et la Russie à la frontière avec le Maroc qui étaient prévues en novembre dernier. La seconde est le report aux calendes grecques, et dans une grande discrétion, de la visite du président Algérien, Abdelamajeed Tebboune, à Moscou prévue elle aussi en décembre dernier.
Ces deux concessions algériennes ne sont pas le fruit du hasard. Elle sont les conséquences d’une pression américaine sans précédent sur le régime algérien. Cette pression s’est faite sur un double niveau.
Le premier a lieu à travers la rencontre inédite entre l’ambassadrice américaine à Alger, Elisabeth Moore Aubin, avec le patron de l’armée algérienne, Saïd Changriha. Au cours de cette fameuse rencontre restée dans les annales diplomatiques comme une énorme bizarrerie, le message a été passé que l’Amérique voit d’un très mauvais œil la présence de soldats russes à la frontière avec le Maroc.
Le second niveau s’est fait à travers une lettre fracassante envoyée par le sénateur républicain, Marco Rubio, au secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, demandant à ce que des sanctions soient adoptées contre le régime algérien pour le punir de ses gigantesques achats d’armes russes qui participent à financer la machine de guerre de Vladimir Poutine en Ukraine.
Plus tard, des sénateurs, républicains et démocrates, ont appuyé cette demande auprès du département d’Etat, de la Maison Blanche et du congrès américain, mettant le régime algérien dans une dangereuse ligne de mire américaine.
C’est sous cette pression de Washington qu’Alger a dû se résoudre à annuler aussi bien les manœuvres militaires communes avec la Russie que la visite de Tebboune à Moscou. Dans ses récentes interviews, le président algérien maintient l’illusion de sa prochaine visite en Russie, sans grande conviction sauf à évoquer cette non moins illusoire posture de non-aligné dépassée par les nouvelles donnes politiques.
Les tensions entre Alger et Moscou ne se limitent pas au domaine militaire et à l’achat d’armement. Le Gaz est aussi au cœur de ce bras de fer. La stratégie de Vladimir Poutine a été depuis le début de cette guerre, pensée sur une idée cardinale: Priver les pays européens de son gaz et de son pétrole pour mettre à genoux leurs économies et les obliger à négocier une paix sous ces conditions.
En cherchant une alternative au gaz russe, les pays européens se sont tournés, entre autres, vers le gaz algérien. Et Alger s’est retrouvé dans une impasse politique. Ou soutenir la stratégie militaire de son allié russe en s’abstenant de vendre son gaz à l’Europe pour faire réussir la politique de privation et d’encerclement russe, ou fournir aux pays européens son gaz pour les aider à contourner et à faire échouer la stratégie de Vladimir Poutine à leur égard.
Devant les pressions européennes et américaines, le régime algérien a dû laisser tomber son allié russe dans sa bataille du gaz. Cette attitude laissera sans aucun doute des traces sur la fameuse alliance militaire et politique tissée au fil des décennies entre Alger et Moscou.
Même à l’égard des forces paramilitaires russes Wagner qui déstabilisent les intérêts des occidentaux en Afrique, le régime algérien ne parvient pas à formuler une condamnation claire, montrant plutôt une sourde complicité avec les desseins militaires russes dans la région du Sahel.
Abdelmadjid Tebboune a eu cette phrase en direction du Mali qui a fait couler beaucoup d’encre sans être une ferme condamnation de Wagner: « L’argent que coûte cette présence serait mieux placé et plus utile s’il allait dans le développement du Sahel ».
Cet amas de contradictions enferme le régime algérien dans un piège politique où il aura du mal à continuer à jouer sur les deux tableaux sans subir une coûteuse séquence de vérité et de clarification.
Ce qui apparaît clairement à travers cette crise, c’est que le régime algérien a perdu l’estime de la Russie sans gagner la confiance des Américains et des Européens qui le perçoivent comme un pays incertain, indigne d’avoir le statut d’allié. Ce qui va accentuer sa solitude et son isolement.
hespress