Le Graët, un président de la FFF sous haute pression

Le président de la Fédération française de football Noël Le Graët (g) et le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps à Paris. Photo d’archives Francois Mori / POOL / AFP

Est-ce la sortie de trop? Les propos à l’emporte-pièce de Noël Le Graët sur Zinédine Zidane ont suscité une avalanche de réactions indignées et fragilisent le président de la FFF, déjà sous pression depuis les révélations sur les dysfonctionnements de l’instance.

Les déclarations polémiques du dirigeant breton, âgé de 81 ans, ne pouvaient pas tomber plus mal à l’approche de son audition mardi par la mission d’audit et de contrôle diligentée par le ministère des Sports pour éclaircir notamment les pratiques managériales de la Fédération française de football en matière de violences sexistes et sexuelles.

Déjà secoué par des accusations de « harcèlement » et de comportements « inappropriés » de la part d’ex-salariées, anonymes et qu’il a toujours contestées, Le Graët a aggravé son cas en s’attaquant dimanche soir sur RMC à l’icône Zidane, longtemps considéré comme l’option N.1 à la tête de l’équipe de France en cas de non renouvellement de Didier Deschamps, finalement prolongé samedi jusqu’en 2026. « Je ne l’aurais même pas pris au téléphone, a-t-il ainsi lâché. Pour lui dire quoi ? +Bonjour monsieur, ne vous inquiétez pas, cherchez un autre club, je viens de me mettre d’accord avec Didier+ ? »

A une question sur un intérêt supposé du Brésil pour l’ex-N.10 de l’équipe de France championne du monde en 1998 et d’Europe deux ans plus tard, il a ajouté: « J’en n’ai rien à secouer, il peut aller où il veut, dans un club, il en aurait autant qu’il veut en Europe, un grand club. »

« Sentiment de ras-le-bol »

L’ancien maire de Guingamp, d’habitude peu enclin à l’autocritique, a pris la mesure du tsunami provoqué par son intervention en présentant ses « excuses » personnelles à l’ancien meneur de jeu de l’équipe de France, comme le lui avait réclamé dès dimanche soir la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra. « Je tiens à présenter mes excuses pour ces propos qui ne reflètent absolument pas ma pensée, ni ma considération pour le joueur qu’il était et l’entraîneur qu’il est devenu. Zinédine Zidane sait l’estime immense que je lui porte, comme tous les Français », a-t-il affirmé lundi dans une déclaration à l’AFP.

De Kylian Mbappé, qui a expliqué sur Twitter que l' »on ne manque pas de respect à la légende comme ça », à Youri Djorkaeff, ex-coéquipier de Zidane en bleu, évoquant des phrases « mal placées et malvenues », en passant par le Real Madrid, outré de propos « indignes », Le Graët a fait l’unanimité contre lui. Quelles conséquences ces déclarations peuvent-elles avoir sur l’avenir du dirigeant, dont l’actuel mandat se terminera fin 2024?

Techniquement, le pouvoir politique n’a pas la possibilité de destituer le président de la FFF, ce qui provoquerait par ailleurs l’ire de la Fédération internationale de football (Fifa) qui prohibe toute intervention de l’Etat. Mais il y a un « sentiment de ras-le-bol » au sommet de l’Etat, explique-t-on dans l’entourage du président de la République, où on déplore « une sensation d’accumulation » de « mots inacceptables ». « Il a pété les plombs », estime une source gouvernementale qui relève « un niveau de consternation assez élevé ».

La fracture entre la ministre des Sports et Le Graët s’est encore accentuée durant la Coupe du monde au Qatar où le patron de la « 3F » n’avait pas hésité à s’épancher auprès d’un représentant de l’Etat en critiquant « AOC » et même le président de la République, posant notamment la question de la présence d’Emmanuel Macron à Doha, selon une source gouvernementale.

Situation intenable ?

La balle est donc du côté de la FFF et de son comité exécutif, seul habilité à pousser Le Graët vers la sortie. Un membre du Comex, qui a requis l’anonymat, estime que la situation du dirigeant va être intenable. « Il va y avoir une vague de fond terrible, il va devoir s’en aller. La ministre a raison, il est complétement hors-sol. C’est une communication non maîtrisée, mais quand on est président d’une fédération sportive, la plus grande de France, on se maîtrise », a expliqué cette source.

« Je ne peux que me réjouir que le président se soit ressaisi et ait adressé ses excuses à Zinédine », a réagi de son côté Eric Borghini, lui aussi membre du comité exécutif de la FFF, qui a témoigné lundi auprès de l’AFP de « l’incompréhension totale » dans laquelle l’ont plongé les déclarations dominicales de Le Graët.

Le Comex a par ailleurs été secoué de ne pas avoir été averti, au cours de sa réunion de vendredi, de la prolongation de Deschamps au poste de sélectionneur des Bleus, annoncée le lendemain lors de l’Assemblée générale de la fédération. Dans ces conditions, la fronde n’est pas loin et les présidents de Ligue réfléchissent à l’élaboration d’un communiqué commun pour prendre leur distance avec le président, selon une source fédérale.

lorientlejour

You may like