Un été, Nathalie Gontard déballe des revues qu’elle a laissées s’entasser. Soudain, sa gorge la pique, elle a du mal à respirer, ses poumons semblent en feu, elle s’écroule. Sous l’effet de la chaleur, le plastique s’est désagrégé, a envahi la pièce et gagné ses poumons. L’accident survenu il y a vingt ans a constitué un tournant pour cette spécialiste des plastiques. Elle alerte aujourd’hui sur les fausses bonnes solutions du recyclage.
Les entreprises communiquent de plus en plus sur la part de recyclé dans leurs produits, est-ce rassurant ?
NATHALIE GONTARD. On continue à produire environ 400 millions de tonnes de plastique vierge chaque année. Or, le vrai recyclage – c’est-à-dire produire un objet similaire à celui d’origine – concerne moins de 2% du plastique, les bouteilles en plastique en PET. Si la France affiche un taux autour de 32 % de recyclage, on devrait en fait parler de dé-cyclage, car d’une part il faut toujours réinjecter du plastique vierge, et d’autre part le nouveau produit est toujours de moindre qualité. Il continuera ensuite de se dégrader à domicile, à la décharge ou dans la nature et viendra grossir le réservoir des micro et nanoplastiques. Le recyclage du plastique n’est bien souvent qu’une belle histoire.
N’est-ce pas déjà un progrès ?
De nombreux scientifiques avancent sur des solutions mais les efforts doivent surtout porter sur la réduction du plastique. En mettant en place ces filières de « décyclage », le plastique se substitue à des matériaux qui ne posaient pas de soucis. Prenez la laine, progressivement écartée alors qu’il y a de plus en plus de plastiques dans les pulls. Regardez l’Allemagne, l’Autriche qui « décyclent » jusqu’à la moitié de leur plastique. Ils auraient dû diviser par deux leur consommation, or c’est loin d’être le cas. C’est en fait un cercle vicieux.
Quel est le problème du plastique ?
Le plastique est un polluant éternel — et on en fait du jetable ! —, il peut polluer sur des siècles, les océans mais aussi les terres. On peut continuer à l’utiliser mais en connaissance de cause. Ce qui m’inquiète, c’est que, pour la transition écologique notamment, on utilise massivement du plastique sans s’interroger sur l’impact, sous prétexte qu’on lutte contre le réchauffement climatique. Il ne faut pas se prendre les pieds dans de fausses solutions. Ainsi, beaucoup de nos plastiques usagés partent se faire « traiter » à l’étranger. La Turquie, par exemple, récupère une partie de ces déchets.
parisien