Valentyn Mozgovy est paralysé et a besoin d’un appareil dédié pour l’aider à respirer. C’est dire si, pour lui, les bombardements russes qui ravagent l’infrastructure électrique de l’Ukraine sont une menace.
Valentyn souffre de la maladie de Charcot, une affection neurodégénérative qui le cloue chez lui, à Kiev, sur son lit médicalisé. Son visage est à peine visible derrière le masque de son respirateur.
« Vous voyez, il est vivant. Ce qui veut dire que j’ai réussi » à trouver une solution, dit à l’AFP son épouse Lioudmila Mozgova, assise à ses côtés.
Puis elle raconte sa terreur lorsque, début octobre, Kiev s’est retrouvé plongé dans le noir et son mari sans respirateur après les premières frappes russes sur les installations énergétiques ukrainiennes.
– « C’était une torture » –
Sans électricité, Valentyn a dû respirer pendant 10 longues minutes seul, sans assistance.
« La manière dont il respirait (à ce moment-là), c’était effrayant ! On ne savait pas quoi faire », se souvient Lioudmila.
Comme le reste de la population de la capitale ukrainienne, Lioudmila et Valentyn sont privés de courant plusieurs heures par jour. Il se sont donc adaptés.
« Son corps ne bouge pas mais (Valentyn) reste très alerte, il donne beaucoup de conseils. C’est notre capitaine », explique Lioudmila, dont le mari s’exprime avec difficulté en murmurant.
Pour répondre aux coupures, elle a installé un système de batteries qui prend le relais pour faire tourner le respirateur quand l’électricité vient à manquer.
Mais cette organisation ne suffit pas à complètement rassurer le couple, car il ne sait bien souvent pas quand les coupures auront lieu, ni combien de temps elles dureront.
« J’aimerais qu’on ait un peu de stabilité, savoir quand on aura de l’électricité », déplore-t-elle, tout en se disant consciente qu’elle et son mari ont « le luxe » d’avoir pu acheter leur équipement actuel. « C’était très cher, nos enfants nous ont aidés. Je ne sais même pas quel conseil donner à ceux qui n’ont pas les moyens ».
Selon Iryna Kochkina, à la tête de « Svoyi », une ONG qui aide des patients en soins palliatifs, des dizaines de milliers de personnes en Ukraine sont dans la situation de Valentyn.
« Si toutes ces personnes, d’un coup, ne pouvaient plus être aidées (à domicile) par les équipements qui les maintiennent en vie, et étaient conduites à l’hôpital, alors notre système de soins exploserait, tout simplement », dit-elle.
Tetyana Venglinska, elle, n’a pas eu d’autre choix que de faire hospitaliser sa mère, Eva, 75 ans, après trois mois à faire face aux coupures d’électricité.
Eva, qui souffre d’un cancer du poumon, doit être reliée à un concentrateur d’oxygène, explique sa fille, assise sur le bord d’un lit d’hôpital à Kiev.
Pour que les batteries de l’appareil tiennent durant les longues coupures de courant, il a d’abord fallu réduire le débit d’oxygène. « C’était une torture totale pour ma mère », se souvient Tetyana, « Imaginez ! Diviser par trois votre quantité d’oxygène respiré ! »
Et comme l’autonomie de l’appareil n’est que d’environ huit heures, la famille d’Eva vivait dans un état d’anxiété permanent.
– Pas un petit verre –
Mon mari « avait peur de pénétrer dans la chambre car il se demandait si ma mère était toujours en vie », raconte Tetyana.
Quand des bombardements russes provoquent une nouvelle coupure la nuit du 17 décembre, Tetyana se résout à appeler une ambulance et à faire hospitaliser sa mère, dont l’appareil n’a plus que quelques dizaines de minutes d’autonomie. Une décision qui lui a sauvé la vie, car l’immeuble restera au final quatre jours sans électricité.
Depuis, Tetyana passe l’essentiel de son temps au chevet de sa maman, tout en disant garder l’espoir de pouvoir la ramener un jour à la maison.
Lioudmila Mozgova, elle, croit aussi en des jours meilleurs et que son mari sera là pour fêter la fin de la guerre.
« On boira à la victoire, c’est sûr ! Valentyn le fera à sa manière, avec une paille, et je me servirai un verre », sourit-elle. « Et ce ne sera pas un petit verre ! »
afp