Port-au-Prince s’est réveillée sous tension, ce jeudi, suite à l’assassinat par bandits armés la veille de six policiers dans la commune de Liancourt, dans le département de l’Artibonite. Ce mouvement de protestation a été enclenché tôt dans la matinée par des policiers, appuyés par des membres de la population. La résidence officielle du Premier ministre Ariel Henry a été pris également pour cible.
Pneus enflammés, blocage de grands axes routiers à l’aide de véhicules, la capitale haïtienne a connu une journée mouvementée où les activités ont été grandement paralysées. De nombreuses écoles ont dû renvoyer les élèves plus tôt que d’habitude. Des tirs d’armes automatiques ont été entendus dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, rapporte notre correspondante à Port-au-Prince, Marie-André Bellange.
Des policiers, pour la plupart en civil, ont pris la résidence officielle du Premier ministre Ariel Henry pour cible. Ils se sont rendus par la suite à l’aéroport international Toussaint-Louverture alors que le Premier ministre rentrait au pays après sa participation au septième sommet de la Celac, en Argentine. Le chef du gouvernement haïtien est resté bloqué à l’aéroport dont plusieurs vitres ont été brisées.
Vent de panique
Un vent de panique a soufflé également dans plusieurs régions d’Haïti, dont Saint-Marc où des agents de l’unité d’élite de la police nationale, Swat Team, ont mené une opération à Croix-Moreau, dans la commune de Liancourt pour déloger des bandits armés. Ceux-ci ont attaqué à trois reprises un sous-commissariat de police et « au cours de la troisième attaque », des hommes armés attaquant « sur tous les fronts », « ont tué six de nos agents », a déclaré jeudi matin le responsable de police Jean Bruce Myrtil au micro d’une radio locale.
Parmi les six policiers tués, quatre, blessés plus tôt dans la journée, ont été « sortis » par les membres de gangs de la clinique où ils étaient soignés « afin de les exécuter », a ajouté le responsable de la police. La police avait annoncé sur ses réseaux sociaux la mort de « six vaillants policiers ». Parallèlement, plusieurs centaines de lycéens sont descendus dans les rues de la capitale haïtienne pour dénoncer l’enlèvement de la ménagère du lycée Fritz-Pierre-Louis et exiger sa libération.
La direction générale de la police nationale annonce avoir ses effectifs « en état d’alerte maximale ce jeudi ». Elle convoque, à cet effet, tous les policiers à leur poste d’affectation respectif, et ce jusqu’à nouvel ordre. Elle lance un appel à la sérénité à l’endroit des policiers.
Colère
Aux Gonaïves, plusieurs dizaines de citoyens ont manifesté, ce jeudi 26 janvier, pour exprimer leur colère après la mort, mercredi 25 janvier, de ces policiers, écrit notre correspondant sur place, Ronel Paul. Au moins quatre des victimes sont issues du commissariat local et, jusqu’à présent, les corps sont toujours entre les mains des bandits. Ces derniers sont allés jusqu’à filmer les corps étalés au sol, leurs armes posées sur le ventre. Les vidéos ont ensuite été diffusées sur les réseaux sociaux où les membres du gang se vantent de leurs méfaits. Une situation qui a soulevé l’indignation et la colère des citoyens des Gonaïves.
Devant le commissariat des Gonaïves, ils sont des dizaines. Machette à la main, mouchoir rouge autour du coup, cet homme se dit prêt à accompagner les forces de l’ordre pour aller récupérer les corps des policiers : « Les bandits ne doivent pas nous empêcher de vivre dans le pays. Nos frères, nos sœurs sont victimes. Les policiers sont des Haïtiens. Si vous, vous voulez faire la guerre, il faudrait vous en prendre aux Dominicains ou aux Américains, mais pas aux Haïtiens. Nous n’acceptons pas ça. Cela m’indigne en tant qu’Haïtien. »
« Personne n’est intervenu »
Les protestataires brandissent une banderole sur laquelle on peut lire : « L’État haïtien a tué les policiers, donnez-nous les corps ». Cet autre citoyen y voit la main du gouvernement en place, qui chercherait selon lui à éliminer les policiers: « Imaginez-vous, les policiers appellent des renforts; il y en a aux Gonaïves, il y en à Saint-Marc, mais personne n’est intervenu et les policiers sont morts dans ces circonstances. C’est un complot parce que ce n’est pas la première fois que ça arrive dans la police nationale. Les gangs appartiennent à l’État, qui envoie alors des policiers pour que les bandits les éliminent. »
Escortés par des policiers, indignés eux aussi, par la mort de leurs frères d’armes, les manifestants, comme à Port-au-Prince, ont sillonné plusieurs rues de la ville, entassé des pneus avant d’y mettre le feu, et contraint les établissements scolaires à renvoyer les élèves chez eux.
RFI