L’ex-grand patron du cabinet-conseil McKinsey nommé ambassadeur en Chine par Justin Trudeau, Dominic Barton, assure ne pas être un proche du premier ministre et ne jamais avoir influencé l’attribution des récents juteux contrats avec le gouvernement du Canada.
« Je n’ai aucune implication dans l’attribution des contrats de McKinsey au Canada », a répété mercredi l’ex-diplomate devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, à Ottawa.
Pressé de questions par les députés de l’opposition, il s’est présenté comme un haut gestionnaire qui connaît très peu Justin Trudeau, étranger aux contrats de son ancienne firme et détaché de toute prise de décisions du Canada. Il dit ne pas avoir fait de lobbyisme auprès du premier ministre.
Dominic Barton a pratiquement laissé entendre que l’enquête parlementaire en cours faisait erreur sur la personne, tout en défendant sa firme contre les « nombreuses exagérations qui sont faites au sujet de McKinsey ».
M. Barton a travaillé plus de 30 ans au sein de McKinsey & Company et s’est hissé tout au sommet de la firme de consultants, poste qu’il a occupé entre 2009 et 2018. En parallèle, il a présidé gratuitement un conseil consultatif constitué de 14 chefs d’entreprise créé par le gouvernement Trudeau en 2016. Trois ans plus tard, il a été nommé ambassadeur en Chine, poste qu’il a quitté en 2021.
Des conseils sur l’immigration
« On ne suggérait pas de politiques publiques », a-t-il dit sur son implication à la tête du Conseil consultatif en matière de croissance économique. Ce conseil a notamment proposé d’augmenter le nombre de nouveaux arrivants de 300 000 par an à 450 000 par an. « On faisait des recommandations. C’est le gouvernement qui devait décider. Et il a rejeté de nombreuses idées. On n’avait rien à voir avec ces décisions. »
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a exceptionnellement pris part à la réunion du comité parlementaire pour poser ses questions à M. Barton. Sur l’immigration, il a insisté pour savoir combien de nouveaux arrivants parleraient français selon sa vision du « Canada à 100 millions de citoyens ».
« Je crois que c’est très important de la manière dont les gens pourraient être intégrés. […] En anglais et français », a lâché Dominic Barton, tout en précisant que d’intenses débats ont eu lieu au sein du conseil consultatif sur cette question. Au final, c’est le gouvernement qui est responsable d’établir cette cible, qui est désormais de 500 000 immigrants par année.
Le nom de Dominic Barton a été cité dans un article Radio-Canada publié en début d’année qui suggérait que la firme McKinsey influence les politiques d’immigration au pays. Une conclusion que l’ex-diplomate rejette a catégoriquement. « McKinsey ne propose jamais de politiques publiques aux gouvernements », a insisté son ancien patron. La firme exécuterait plutôt des mandats précis dont les critères étaient choisis par les gouvernements.
Explosion des contrats
La valeur des contrats conclus entre le gouvernement et cette firme a explosé ces dernières années, mais surtout depuis que M. Barton n’est plus à ses commandes. Le député conservateur Pierre Paul-Hus a toutefois fait le lien entre le début de la relation entre le premier ministre Trudeau et l’obtention de juteux contrats d’Ottawa.
Même si ses services sont « un peu chers », convient M. Barton, la firme serait choisie parce qu’elle détient un savoir-faire. « L’attribution des contrats est un processus très rigoureux. Ce n’est pas basé sur les relations personnelles », a-t-il affirmé.
Le gouvernement du Canada a versé au moins 116,8 millions de dollars à McKinsey depuis 2015, en vertu de contrats conclus par Services publics et Approvisionnement Canada. Or, d’autres grandes firmes de consultant décrochent encore plus de contrats, a rappelé M. Barton.
Le Nouveau Parti démocratique réclame d’ailleurs que l’enquête du comité sur les contrats gouvernementaux s’étende aux firmes Deloitte, PricewaterhouseCoopers, Accenture, KPMG et Ernst & Young. Devant les médias, le député néodémocrate Alexandre Boulerice a également fait valoir que la fonction publique fédérale pouvait exécuter plusieurs des mandats confiés à ces consultants chèrement payés.
En Chambre, le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, a de nouveau pressé le premier ministre de questions au sujet des contrats avec McKinsey. Le politicien conservateur a accusé la firme d’avoir causé des morts par « son implication dans la crise des opioïdes », référant à sa relation d’affaires avec Purdue Pharma, qui a été révélée dans la presse américaine. M. Barton a assuré ne pas être au courant des détails de ce mandat.
« Peut-être que vous devriez passer un peu de temps pour savoir comment les firmes de consultants fonctionnent », a-t-il notamment répondu au député conservateur Garnett Genuis lors d’un échange corsé.
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