La société d’investissements américaine Hindenburg Research a publié un rapport accusant le conglomérat appartenant au magnat indien Gautam Adani de « manipulation éhontée des actions et de fraude comptable sur plusieurs décennies ». Le déclenchement de cette affaire a eu de nombreuses conséquences pour le groupe dont de lui faire perdre plus de 100 milliards de dollars en valeur et annuler une levée de fonds de 2,5 milliards de dollars.
C’est la descente aux enfers pour l’empire Adani. Le conglomérat, qui appartient au magnat indien Gautam Adani, a perdu plus de 100 milliards de dollars en valeur depuis les accusations de fraude comptable portées par la société d’investissements américaine Hindenburg Research la semaine dernière.
Elle l’a, en effet, accusé, dans un rapport la semaine dernière de « manipulation éhontée des actions et de fraude comptable sur plusieurs décennies ». Réitérant des préoccupations existantes concernant l’endettement du groupe Adani, Hindenburg Research a signalé le fait que le frère aîné de l’homme d’affaires, Vinod Adani, « par l’intermédiaire de plusieurs associés proches, gère un vaste réseau d’entités fictives offshore. Nous pensons que le groupe Adani a été en mesure d’effectuer une fraude importante et flagrante au grand jour, en grande partie parce que les investisseurs, les journalistes, les citoyens et même les politiciens ont eu peur de parler par crainte de représailles », a souligné Hindenburg Research.
De son côté, le directeur financier d’Adani a qualifié, au lendemain de sa parution, le rapport Hindenburg de « combinaison malveillante de désinformation sélective et de vieilles accusations, sans fondement, discréditées, examinées et rejetées par les plus hauts tribunaux indiens ». Le groupe Adani a d’ailleurs publié un rapport de 413 pages destiné à réfuter les accusations de Hindenburg, qu’il qualifie de « Madoff de Manhattan », en référence à l’homme d’affaires américain véreux Bernard Madoff. « Ce n’est pas seulement une attaque injustifiée contre une entreprise spécifique, mais une attaque calculée contre l’Inde, l’indépendance, l’intégrité et la qualité des institutions indiennes, ainsi que l’histoire de la croissance et l’ambition de l’Inde », s’est défendu le groupe Adani.
Troisième plus grand conglomérat de l’Inde
Un coup dur pour Gautam Adani, 60 ans, qui a vu son empire se développer à vitesse grand V en faisant fortune dans les ports et le commerce des matières premières. Il dirige aujourd’hui le troisième plus grand conglomérat de l’Inde avec des intérêts allant de l’exploitation du charbon et des huiles comestibles, aux aéroports et aux médias. Le cours d’Adani Enterprises s’est envolé de plus de 1.000% ces cinq dernières années.
L’homme d’affaires s’est exprimé en personne dans une vidéo diffusée ce jeudi. « Les fondamentaux de notre entreprise sont très solides, notre bilan est sain et nos actifs robustes », a affirmé celui dont la fortune personnelle a fondu d’environ 60 milliards de dollars, faisant tomber l’homme d’affaires au 16e rang du classement des grandes fortunes établi par Forbes en temps réel ce jeudi matin. Quant aux entreprises cotées du conglomérat, leur valeur a perdu 104 milliards de dollars.
Une levée de 2,5 milliards de dollars annulée
D’autant que cette affaire a éclaté au moment où il cherchait à lever 2,5 milliards de dollars par le biais d’une vente d’actions, qui a été sursouscrite mardi. Il a finalement annulé, mercredi, son offre publique de suivi (FPO), le magnat en difficulté ayant considéré qu’il ne serait « pas moralement correct » de poursuivre l’opération. Cette vente était censée contribuer à réduire les niveaux d’endettement préoccupants de l’entreprise et à restaurer la confiance en élargissant sa base d’actionnaires.
Le groupe a annoncé que tous les investisseurs seraient remboursés, affirmant que poursuivre l’opération ne serait pas moralement correct. Parmi les souscripteurs de cette cession se trouvaient notamment les magnats Sajjan Jindal et Sunil Mittal, a rapporté Bloomberg News, citant des sources ayant requis l’anonymat. « Une fois que le marché se sera stabilisé, nous réexaminerons notre stratégie sur le marché des capitaux », a commenté Gautam Adani, soulignant que son bilan en matière de remboursement de la dette était impeccable.
Le titre d’Adani Entreprises s’effondre en Bourse
Autre conséquence de ces accusations : la liquidation massive des titres des entreprises du conglomérat indien, effaçant plus de 100 milliards de dollars de valeur boursière à la date de ce jeudi, selon Bloomberg News.
Dans le détail, le titre d’Adani Enterprises, fleuron du conglomérat, a dégringolé de 14% ce même jour, perdant la moitié de ce qu’il valait au début de l’année et Adani Total Gas dont le géant français TotalEnergies détient 37,4%, a perdu 52% de valeur du 1er janvier. Mercredi à la clôture de la Bourse, le titre de Adani Enterprises avait dévissé de 28,45% à 2.128,70 roupies. Tant et si bien que les échanges de titres de plusieurs entreprises de l’empire indien ont été suspendus jeudi.
Selon l’agence Bloomberg, ce plongeon serait lié à une information selon laquelle le groupe bancaire Credit Suisse avait cessé d’accepter les obligations du conglomérat comme garantie collatérale pour les prêts sur marge accordés à ses clients de la banque privée. Interrogé par l’AFP, Credit Suisse n’a pas souhaité faire de commentaires. Depuis d’autres groupes bancaires comme Citigroup aux États-Unis ont fait de même, toujours selon Bloomberg. De son côté, la Banque centrale indienne a demandé aux prêteurs des détails sur leur exposition au groupe Adani, a encore rapporté Bloomberg. Par ailleurs, le Parlement a dû être ajourné ce jeudi matin après des éclats répétés de députés exigeant du gouvernement un débat sur Adani et le niveau d’exposition des banques du secteur public et des institutions financières.
Le marché boursier indien est resté stable depuis la débâcle Adani et le ministre indien de la Technologie, Ashwini Vaishnaw, a affirmé sur Bloomberg TV qu’il ne craignait pas d’effet systémique. « L’Inde possède un très large éventail de sociétés, a-t-il déclaré, quel que soit le soubresaut sur le marché boursier, il ne va pas affecter l’ensemble de l’économie, j’en suis tout à fait certain ».
AFP