Un des premiers tests de la refonte de l’alliance entre Renault et Nissan viendra d’Inde, l’un des marchés automobiles à plus forte croissance du monde, où les deux constructeurs projettent de nouveaux investissements pour tenter de réduire l’écart avec la concurrence, ont dit à Reuters plusieurs sources proches du dossier.
Les deux partenaires ont trouvé lundi un accord de principe pour restructurer leur partenariat fondé plus de vingt ans plus tôt, avec un rééquilibrage de leurs participations et la possibilité que Nissan investisse dans la future entité électrique de Renault, « Ampère », dont il deviendrait un actionnaire stratégique.
Renault et Nissan ont également indiqué avoir identifié un certain nombre de projets clé où leur collaboration sera renforcée, en Inde, en Amérique latine et en Europe, sans plus de précisions.
Selon deux sources proches du dossier, les deux groupes prévoient de nouveaux investissements sur le marché indien, conduits par Nissan, et étudient le lancement sur place de nouveaux véhicules à compter de 2025.
Renault et Nissan renoueraient ainsi avec une stratégie de partage de voitures, une approche qui aide à augmenter le taux d’utilisation des usines et à réduire les coûts, ont dit les sources. Un lancement sous marque Renault et Nissan du nouveau Duster, le SUV vedette de la marque Dacia, est notamment à l’étude, ont-elles ajouté.
Les deux groupes ont discuté l’an dernier de la possibilité de vendre en Inde le petit crossover Triber 7 places de Renault avec le badge Nissan, selon une des sources, mais les discussions ont été suspendues dans l’attente d’un accord global. Elles devraient reprendre sous peu.
Renault envisage d’assembler en Inde une version électrique de son petit SUV Kwid, a déjà rapporté Reuters, un projet où Nissan s’est également embarqué.
Nissan n’était pas disponible dans l’immédiat pour faire un commentaire, tandis que Renault refuse régulièrement de commenter les détails de ses projets avec Nissan.
LE LOW COST, UN NOUVEAU TREMPLIN INTERNATIONAL
Cette collaboration souligne l’importance du coût auxquels tous les constructeurs automobiles doivent faire face en raison des investissements dans l’électrification en Europe, dans l’automatisation et les autres services, alors qu’à l’échelle mondiale, et notamment sur les marchés émergents comme l’Inde, où les moteurs essence restent ultra majoritaires.
Elle reflète aussi le potentiel croissant du marché indien, devenu l’an dernier le troisième marché automobile mondial en détrônant le Japon, selon S&P Global Mobility.
Les ventes toutes marques en Inde ont bondi en 2022 de 23% à 4,4 millions de véhicules légers alors que le marché américain peine à retrouver ses niveaux de 2019, avant la pandémie de coronavirus, et que la Chine voit sa croissance ralentir.
A eux deux, Renault et Nissan ont atteint une part de marché d’environ 3% en Inde l’an dernier.
L’enjeu est important pour les deux partenaires. Au-delà du marché indien, l’expertise de Renault dans le low cost offre à noueau des perspectives de synergies à travers le monde, notamment en Amérique latine où les deux groupes ont chacun une usine, au Mexique et en Argentine, a indiqué une autre source.
Les Echos évoquent même la conception au sein de l’alliance d’une toute nouvelle plateforme commune de véhicule à bas prix pour partir à la conquête des marchés étrangers en voie de développement.
Pour Renault, l’Inde doit jouer un rôle stratégique dans l’internationalisation du groupe alors que contrairement à Nissan, il est quasi absent de Chine, des Etats-Unis ou du Japon, a précisé une des premières sources.
Mais à l’image de leur alliance historique, les deux constructeurs ont en Inde un écheveau complexe d’intérêts croisés avec une usine et un centre de R&D qu’ils détiennent en commun dans le sud du pays, à Chennai.
Le site, de grande taille, peut assembler 500.000 voitures par an mais ne tourne qu’à un tiers de sa capacité, selon des données du secteur.
Nissan possède 70% de l’usine, mais ses ventes en Inde sont inférieures à celles de Renault – 35.000 véhicules et un seul modèle produit à Chennai, le crossover Magnite, contre 87.000 Kwid, Kiger et Triber pour le groupe au losange. En revanche, le groupe français détient une participation supérieure dans le centre indien de R&D, qui travaille notamment sur la localisation des produits pour l’Inde.
Cette structure a conduit par le passé à davantage de concurrence que de coopération, chaque entité ayant une équipe de direction distincte et un bilan comptable séparé, a ajouté la source, selon laquelle la crainte d’une répétition de ces écueils existe.
La production commune de véhicules commercialisés sous des marques différentes présente toujours aussi un risque de cannibalisation entre les marques et de désaveu des consommateurs si les modèles proposés sont trop voisins.
Mais d’autres constructeurs importants comme Volkswagen et sa marque low cost Skoda, ou Toyota Motor et son partenaire Suzuki Motor, montrent actuellement que cette approche peut aussi être couronnée de succès.
REUTERS