Mali : la junte expulse le directeur de la division des droits de l’Homme de la Minusma

Le directeur de la division des droits de l’Homme de la Minusma « devra quitter le territoire national dans un délai de 48 heures », a ordonné, dimanche, la junte au pouvoir au Mali. Une décision qui intervient après le discours d’une défenseure malienne des droits humains dénonçant la situation sécuritaire du pays.

La junte malienne a expulsé, dimanche 5 février, le chef de la division des droits de l’Homme de la mission de l’ONU (Minusma) dans le pays au moment où celle-ci évoque un possible retrait de ses troupes.

Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, ressortissant de la République démocratique du Congo, a été déclaré « persona non grata » et « devra quitter le territoire national dans un délai de 48 heures », a indiqué la junte au pouvoir, qui l’accuse d' »agissements déstabilisateurs et subversifs ».

Cette décision annoncée par communiqué intervient après un discours violemment critiqué par la junte prononcé par une défenseure malienne des droits humains , qui a dénoncé il y a dix jours à l’ONU la situation sécuritaire du pays et l’implication, selon elle, des nouveaux alliés russes de l’armée nationale dans de graves violations.

« À l’occasion des différentes sessions du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Mali, les actions de monsieur Andali ont consisté à sélectionner des usurpateurs s’arrogeant le titre de représentant de la société civile malienne, en ignorant les autorités et les institutions nationales », dit le communiqué. « La partialité de monsieur Andali a été encore plus manifeste lors du dernier examen du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Mali », jour de l’intervention au titre de la société civile d’Aminata Cheick Dicko, qui subit depuis son discours une violente campagne de dénigrement.

Impuissance

Les tensions avec la division des droits de l’Homme de la Minusma se sont brutalement accrues à l’arrivée des militaires au pouvoir il y a deux ans.  La junte fait ouvertement barrage aux investigations de la Minusma sur les droits humains et les abus dont les forces maliennes sont régulièrement accusées.

La Minusma a été créée en 2013 pour aider à stabiliser un État menacé d’effondrement sous la poussée jihadiste, protéger les civils, contribuer à l’effort de paix ou encore défendre les droits humains. Mais la situation sécuritaire n’a cessé de s’aggraver au Mali et la question de la capacité de la Minusma à remplir sa mission, et même de la pertinence de son maintien est posée.

Avec l’extension de son mandat en 2019 au centre du pays particulièrement touché par les violences, la mission, privée désormais du soutien d’opérations étrangères, notamment de la France qui s’est retirée en août, « a fait de son mieux » mais « a été poussée au-delà de ses limites », a noté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un rapport remis il y a environ deux semaines. Une situation qui a placé la Minusma dans une « situation délicate », « incapable de répondre aux attentes de la population malienne et de certains acteurs régionaux » et ainsi sujette à des « critiques persistantes ».

Crispations

D’autant que de nombreux pays ont décidé, ces derniers mois, d’arrêter ou de suspendre la participation de leurs soldats, comme la Suède, l’Égypte, la Côte d’Ivoire et l’Allemagne dont le ministre de la Défense a estimé, lundi, que le maintien des forces de son pays « au Mali jusqu’en mai 2024 n’avait aucun sens dans les conditions actuelles » car les troupes ne peuvent y remplir leur mission.

L’arrivée au Mali en 2021 d’instructeurs russes ou de combattants de la milice russe Wagner, selon les versions, a coïncidé avec des restrictions imposées à la Minusma par les autorités maliennes : création d’une zone d’exclusion aérienne, suspension puis rétablissement des rotations onusiennes…

Mais c’est la question des droits de l’Homme qui soulève le plus de crispations. La junte considère que ce sujet est « instrumentalisé » et compromet « l’unité et la cohésion nationale ».

Le discours d’Aminata Cheick Dicko, vice-présidente de l’observatoire Kisal qui documente les atteintes aux droits humains dans le centre du Mali et aide les victimes, a provoqué l’ire de la junte. Elle a souligné les exactions commises par les « terroristes », mais aussi l’implication des « partenaires militaires russes » de l’armée malienne dans des « violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire »

À la fin de son communiqué, la junte se dit prête à « maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires » conformément aux principes dont elle a fait son mantra : défense de la souveraineté, de la liberté de choisir ses partenaires étrangers et des intérêts nationaux.

AFP

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