Si les plaques tectoniques peuvent bouger, c’est bien grâce à certains processus qui se jouent dans les profondeurs du manteau et qui mettent notamment en jeu sa viscosité. Si l’on pensait jusqu’à présent que cette viscosité était influencée principalement par la présence de matériel fondu, une nouvelle étude montre que ce n’est peut-être pas le cas.
Il suffit d’observer une carte du monde pour se rendre compte que les continents forment les pièces d’un immense puzzle. En le reconstruisant, on obtient en effet un supercontinent. La position actuelle des masses continentales nous indique donc que les continents sont en mouvement les uns par rapport aux autres. C’est ce que l’on appelle la tectonique des plaques. Mais à quoi est dû ce mouvement ? L’expansion océanique (la fabrication continue de croûte océanique au niveau des dorsales) entraîne la divergence des continents, alors que les zones de subduction, qui avalent la croûte océanique, permettent leur convergence. Mais ce qui sous-tend cette dynamique, c’est un moteur bien plus profond, intrinsèque à la Terre. Il s’agit de la convection du manteau.
Viscosité du manteau et fluage des roches
Sous la croûte terrestre, le manteau forme un immense ensemble géologique de plus de 2 800 km d’épaisseur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser lorsque l’on parle de convection, le manteau n’est pas liquide, mais solide. Les mouvements convectifs qui l’animent se produisent ainsi à l’échelle atomique, au sein des cristaux des minéraux qui le composent. Bien que très lents et infimes, ce sont bien ces mouvements dans les profondeurs de la Terre qui permettent aux plaques de se mouvoir en surface.
LA CONVECTION MANTELLIQUE : UN PROCESSUS EXTRÊMEMENT LENT QUI REPRÉSENTE LE MOTEUR DE LA TECTONIQUE DES PLAQUES.
L’un des paramètres les plus importants dans cette histoire est donc la viscosité du manteau, et plus particulièrement de l’asthénosphère.
Il s’agit de la couche de manteau située directement sous la lithosphère, qui est la partie du manteau supérieur associée à la croûte et qui compose la base des plaques tectoniques.
D’un point de vue mécanique, l’asthénosphère représente la partie la plus ductile du manteau terrestre, autrement dit : la plus facile à déformer. L’asthénosphère fait environ 150 km d’épaisseur et se caractérise par la présence de matériel fondu, mais en très faible quantité. Cette fusion (très) partielle (environ 1 % de liquide) est permise par les conditions de pression et température qui règnent à ces profondeurs. Or, la présence d’une phase liquide, même infime, abaisse la viscosité des roches et permet de les déformer plus facilement, notamment par fluage.
COUPE DE LA TERRE MONTRANT LES PRINCIPALES ENVELOPPES, DONT L’ASTHÉNOSPHÈRE.
Présence de matériel fondu : quel rôle sur la capacité de déformation du manteau ?
Il s’agit là d’une théorie largement connue et acceptée. Mais une nouvelle étude vient questionner le rôle exact que joue la fusion partielle sur la viscosité de l’asthénosphère et donc sur le mouvement des plaques situées au-dessus.
Des scientifiques ont en effet observé la présence d’une couche aux propriétés intéressantes au sein de l’asthénosphère. Ses caractéristiques physiques, et notamment la vitesse relativement faible des ondes sismiques, suggèrent qu’elle possède une plus grande proportion de matériel fondu. Intuitivement, on pourrait donc penser que la présence plus importante de liquide dans cette couche permettrait un fluage plus facile. Or, les analyses conduites par les chercheurs de l’Université du Texas, à Austin, montrent qu’il n’en est rien. La présence d’une fraction liquide plus importante ne semble pas en effet influencer particulièrement le fluage des roches au sein de l’asthénosphère.
En effet, ce niveau ne corrèle pas avec une anisotropie sismique spécifique. L’anisotropie sismique représente le fait que les ondes sismiques se propagent plus rapidement dans une direction particulière. Or, la déformation des roches engendrée par un fluage important crée habituellement ce type d’anisotropie. Cette signature étant inexistante, les auteurs de l’étude publiée dans Nature Geoscience proposent donc que la fusion partielle ne serait peut-être pas le facteur principal permettant l’abaissement de la viscosité de l’asthénosphère. Celle-ci serait plus vraisemblablement contrôlée par les variations de pression et température avec la profondeur, des paramètres qui influencent directement le comportement rhéologique des roches.
Même si les facteurs contrôlant le déplacement des plaques tectoniques sont encore mal connus, cette étude montre que certains paramètres que l’on pensait majeurs ne sont peut-être que secondaires.
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