Ours, renard, otarie, vison, chat… la liste des mammifères qui ont contracté la grippe aviaire s’allonge. Le virus H5N1, hautement pathogène, est-il en train d’évoluer et de s’adapter pour infecter les êtres humains ? Sera-t-il à l’origine de la prochaine pandémie ?
Depuis octobre 2021, le monde fait face à l’une des pires épidémies de grippe aviaire de l’histoire. Rien qu’en France, plus de 20 millions de volailles ont dû être abattues après avoir été contaminées par le virus H5N1 en 2022. Aux États-Unis, ce sont 58 millions de volailles qui ont péri dans les 42 États où le virus est présent. La situation devient préoccupante car, malgré les mois qui ont passé depuis le début de l’épidémie, aucun signe d’amélioration n’est en vue. Pire encore, certains craignent que ce virus aviaire finisse par contaminer les mammifères. En effet, des visons, des chats, des renards ou encore des loutres ont été testés positifs pour la grippe aviaire, ainsi que quelques personnes en contact étroit avec des oiseaux contaminés. Est-ce le signe que le virus est prêt à franchir la barrière des espèces ?
Une hécatombe chez les visons en octobre
Début octobre 2022, une ferme qui élève près de 50 000 visons pour leur fourrure dans la province de la Galice en Espagne donne l’alerte : le taux de mortalité des animaux est anormalement haut et ne cesse de grimper, passant de 0,7 % à plus de 4 % en quelques jours. Les mustélidés malades souffrent d’une perte d’appétit, d’une hyperventilation, de saignement ou encore de symptômes neurologiques. Les plus fragiles meurent en un ou deux jours seulement.
Des vétérinaires et des épidémiologistes locaux sont dépêchés sur place pour comprendre la situation. Ils réalisent des prélèvements nasopharyngés et anaux chez une dizaine d’animaux vivant dans les parties de la ferme les plus touchées. Parmi les 13 visons testés, 12 sont positifs au virus H5N1 hautement pathogène. Les employés sont aussi contrôlés, heureusement aucun d’entre eux n’est contaminé. La source de la contamination est encore inconnue à ce jour, écrivent les scientifiques dans leur rapport paru dans le journal européen de surveillance épidémiologique. Car, au moment de la flambée épidémique, aucun élevage de volaille n’était contaminé par la grippe aviaire.
Pour endiguer la propagation du virus, les 50 000 visons de la ferme sont abattus et leur carcasse détruite. Quelque temps plus tard, des oiseaux marins sauvages, des gannets et des mouettes, ont été retrouvés malades ou morts sur la côte avoisinant l’élevage. Ils ont été testés positifs pour la grippe aviaire. Les scientifiques pensent que les visons ont été contaminés par contact avec ces oiseaux infectés, puisque la ferme était en partie en plein air.
Il n’y a pas preuve formelle que le H5N1 se soit propagé de vison en vison. Les analyses génétiques menées sur des échantillons prélevés à la ferme indiquent la présence de mutations dans le gène PB2 — 8 à 9 acides aminés de différence avec la souche la plus proche nommée A/gull/France/22P015977/2022. Ces dernières semblent accroître l’activité de la polymérase virale dans les cellules de mammifères.
LES ÉLEVAGES DE VISON SONT PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES FACE AUX ÉPIDÉMIES.
Après les oiseaux, un virus aviaire prêt à infecter les humains ?
Les visons sont connus pour être sensibles aux virus de la grippe aviaire et humaine, mais d’autres animaux ont été contaminés. Début février, les autorités sanitaires du Royaume-Uni ont rapporté la présence de renards et de loutres sauvages contaminés par le virus H5N1. Selon toute vraisemblance, ces animaux se sont contaminés en mangeant les restes de carcasse d’oiseaux contaminés, l’un comme l’autre pouvant être des charognards si l’opportunité se présente.
En France, un chat vivant dans une ferme avicole de Nouvelle-Aquitaine a aussi été contaminé par le H5N1, il a été euthanasié. Les humains ne sont pas épargnés par ces cas isolés de contamination. Alors que le virus se propage aussi en Amérique du Sud, une petite fille de 9 ans qui habite près d’une ferme avicole en Équateur a été infectée le 9 janvier 2023 ; c’est le premier cas humain de H5N1 sur le continent sud-américain.
Un premier cas humain de H5N1 en Angleterre
La situation actuelle augure-t-elle d’une future pandémie de grippe chez les humains ? « Comme il n’y a pas de transmission entre les mammifères, le risque pour les humains demeure faible. Cela montre cependant que cela reste un risque potentiel auquel nous devons être vigilants », explique Paul Wigley, professeur à l’école vétérinaire de l’Université de Bristol. Les experts partagent cette opinion, les données génétiques à disposition ne témoignent pas d’une adaptation du virus H5N1 aux mammifères, condition indispensable pour que le virus franchisse la barrière des espèces.
Les contaminations humaines sont rares en comparaison des millions d’oiseaux infectés ; la mise en place de règles sanitaires strictes pour les personnes travaillant en contact avec les volailles pourrait permettre de limiter l’exposition au virus et les contaminations. Pour l’instant, si la probabilité que la grippe aviaire soit responsable de la prochaine pandémie humaine reste faible, les scientifiques surveillent tout de même le H5N1 comme le lait sur le feu.
FUTURA