L’infectiologue marseillais et un de ses lieutenants portent plainte pour « harcèlement, tentative de chantage et d’extorsion » contre la biologiste Elisabeth Bik, qui s’est interrogée sur plusieurs de leurs travaux sur le site PubPeer.
« Une cinglée », « une fille qui me traque », « une chasseuse de sorcière », « chercheur raté »… Tels sont les qualificatifs que le professeur à l’université Aix-Marseille et directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection, Didier Raoult, a employés ces derniers mois pour décrire Elisabeth Bik, ancienne biologiste, désormais consultante aux Etats-Unis sur les questions d’intégrité scientifique pour des universités. « Elle fait le bousier », « une mercenaire qui n’obéit qu’à l’argent », renchérit sur son compte Twitter Eric Chabrière, autre professeur d’Aix-Marseille, qui a envoyé à Elisabeth Bik par ce canal l’affiche de la comédie Les Ripoux, tout comme il traite le ministre Olivier Véran et d’autres de « Khmers blancs ».
Apres Pol Pot et les Kmers rouge
Veran et les Khmers blancs. le bourreau de la FranceQuand on détruit son pays par idéologie pic.twitter.com/RcSWfZlIvY
— Pr Chabriere (@Pr_Chabriere_E) November 8, 2020
Ces propos peu amènes se sont accompagnés d’une plainte, déposée par les deux professeurs le 29 avril auprès du procureur de Marseille, contre Elisabeth Bik, pour « harcèlement, tentative de chantage et d’extorsion ». Par ailleurs, Boris Barbour, chercheur au CNRS, est visé pour complicité de ces chefs d’accusation, en tant que responsable du site américain PubPeer, qui publie des critiques, anonymes ou publiques, sur des articles scientifiques. Il nous a indiqué ne pas souhaiter s’exprimer à ce stade.
« Tant que l’on reste sur les critiques scientifiques, cela est bénéfique à la science. Mais là, ça dépasse les bornes et empêche mes clients de travailler », justifie Brice Grazzini, l’avocat des deux professeurs marseillais, qui ont répondu aux questions du Monde par son truchement. Il évoque les messageries saturées de ses clients sous l’effet des mails automatiques envoyés par PubPeer et des sollicitations des éditeurs de journaux scientifiques. La tentative de chantage s’appuierait sur le fait qu’Elisabeth Bik, dans un de ses tweets publics du 27 novembre 2020 (sous le nom MicrobiomDigest), suggérait à l’IHU de la soutenir par un site de financement participatif. L’ironie du propos, soulignée par un smiley, a apparemment échappé aux chercheurs marseillais. « Cette procédure est faite pour m’intimider », considère la biologiste – qui a par ailleurs visiblement été la cible d’une attaque coordonnée sur Twitter, de nombreux comptes ayant diffusé, le 24 mars 2020 à 8h13, un message identique mettant en cause sa probité.
Trois types d’anomalies
Depuis mars 2020, et la publication d’articles de l’IHU à la méthodologie contestée sur les bénéfices de l’hydroxychloroquine, Elisabeth Bik a posté sur PubPeer près de 60 commentaires sur autant d’articles cosignés par Didier Raoult. D’autres contributeurs, anonymes pour la plupart, font monter le total des articles commentés à plus de 240 (sur les 3 500 environ de la production de l’infectiologue). Eric Chabrière, coauteur d’une vingtaine d’articles avec Didier Raoult, est l’objet de près de trente commentaires (dont une dizaine rédigés par Elisabeth Bik). Cette grande quantité est l’un des arguments appuyant la plainte en harcèlement.
Source: lemonde.fr