La Cour suprême des États-Unis étudie mardi une mesure phare de Joe Biden visant à annuler, à hauteur de 400 milliards de dollars, une partie de la colossale dette de millions d’étudiants. Un dossier aux enjeux économiques faramineux et à haut risque pour le président démocrate.
La Cour suprême des États-Unis examine, mardi 28 février, une mesure phare que le président américain avait annoncée l’été dernier : l’annulation d’une partie des dettes de millions d’étudiants. Les enjeux économiques sont colossaux et de nombreux États républicains s’y opposent.
« Cette aide est cruciale pour plus de 40 millions d’Américains qui se remettent de la crise économique causée par la pandémie », a tweeté Joe Biden juste avant l’audience, affichant sa « confiance en la légalité » de son plan.
Today, my Administration argues our case for student debt relief in the Supreme Court.
This relief is critical to over 40 million Americans as they recover from the economic crisis caused by the pandemic.
We're confident it's legal.
And we're fighting for it in court.
— President Biden (@POTUS) February 28, 2023
« Soulager les emprunteurs est légal » ou « Écrasons la dette étudiante », proclamaient aussi des pancartes brandies par près de 200 manifestants réunis au petit matin devant la plus haute juridiction américaine.
Parmi eux, Lamar Brooks, étudiant en psychiatrie, a expliqué à l’AFP avoir déjà accumulé 18 000 dollars de dette. Éligible au plan Biden, cet Afro-Américain de 22 ans estime que cela « pourrait aider d’autres minorités et soulager le fardeau » hérité du passé.
400 milliards de dollars
Les neuf sages ont commencé à écouter les représentants du gouvernement de Joe Biden et les détracteurs de ce programme qui dénoncent un abus de pouvoir coûteux.
Les juges doivent jongler avec des sommes folles : près de 43 millions d’Américains ont des crédits étudiants fédéraux à rembourser pour un montant global de 1 630 milliards de dollars.
Au début de la pandémie, alors que l’économie entrait en hibernation, l’administration du président républicain Donald Trump avait suspendu le remboursement de ces crédits en vertu d’une loi de 2003 permettant de « soulager » les détenteurs de dette étudiante en cas « d’urgence nationale ».
Cette mesure a jusqu’à présent été reconduite sans interruption.
Fin août, le président Biden a voulu aller plus loin en annonçant effacer 10 000 dollars de l’ardoise des emprunteurs gagnant moins de 125 000 dollars par an, et 20 000 dollars pour les anciens boursiers.
Les candidats se sont précipités et 26 millions de dossiers ont été déposés, selon la Maison Blanche, qui estime la facture globale pour l’État à 400 milliards de dollars.
Le plan Biden bloqué
La justice a toutefois bloqué la mise en œuvre de ce plan après avoir été saisie par deux étudiants non éligibles aux 20 000 dollars d’annulation, mais surtout par une coalition d’États républicains.
Ces États accusent l’administration démocrate d’avoir outrepassé ses pouvoirs au prétexte de la pandémie et d’avoir engagé l’argent du contribuable sans consulter les parlementaires. Selon eux, la loi de 2003 couvre le gel de la dette, et non son annulation.
« La Cour doit à nouveau empêcher le gouvernement d’invoquer le Covid-19 pour s’emparer d’un pouvoir bien au-delà de ce que le Congrès aurait pu concevoir », ont écrit l’État du Nebraska et ses alliés dans un argumentaire transmis en amont de l’audience.
« Le ministre de l’Éducation a agi au cœur de son champ de compétence, dans la droite ligne des objectifs de la loi » de 2003, ont rétorqué les avocats du gouvernement.
Majorité conservatrice
La Cour Suprême, avec sa majorité conservatrice de 6 contre 3, a déjà infligé plusieurs revers à l’administration démocrate, invalidant des mesures prises pour bloquer les expulsions locatives pendant la pandémie ou obliger certaines populations à se vacciner.
Pour éviter un nouveau camouflet, le gouvernement démocrate argue que les plaignants n’étaient pas en droit de saisir la justice puisqu’ils n’ont « subi aucun préjudice ». Il demande à la Cour de rejeter leur plainte à ce titre, sans se prononcer sur le fond.
« Ce dossier tombe à point nommé et offre une occasion de renforcer des garde-fous constitutionnels pour empêcher des agences administratives et des branches de l’exécutif d’exercer des fonctions législatives », a ainsi écrit la Chambre du commerce américaine, une organisation patronale, en martelant que les autorités « ne peuvent pas prendre de décision politique importante sans autorisation explicite du Congrès ».
La Cour suprême avait utilisé ce raisonnement en juin pour limiter les pouvoirs de l’Agence de protection de l’environnement dans sa lutte contre le réchauffement climatique. Si elle le confirme, le gouvernement pourrait se retrouver incapable d’agir sur les sujets importants.
AFP