L’engouement de consommateurs hyperconnectés sur les réseaux sociaux porte depuis plusieurs années le développement d’un marketing dit « d’influence ». Celui-ci permet aux marques d’aller à la rencontre d’un public qui se méfie des communications publicitaires, en se rendant visible par l’intermédiaire d’influenceurs – qui apportent proximité et crédibilité – sur les plates-formes recherchées comme Instagram, Snapchat, Twitch, ou autre TikTok.
La pandémie et les confinements ont encore renforcé le besoin de rester connecté et les réseaux sociaux sont en ébullition. Le marché de l’influence représente maintenant près de 150 millions de dollars et ce chiffre devrait monter à 350 millions en 2027. Devenir influencer, c’est le rêve de nombreux aficionados qui se voient déjà en haut de l’affiche. Par exemple, 17 % des jeunes Britanniques de moins de 17 ans indiquent ainsi que leur job de rêve serait d’être YouTuber ou Vlogger. Pour autant, seulement quelques-uns parviendront à être repérés et à en faire leur métier.
Alors, comment mettre toutes les chances de son côté quand on se lance dans le marketing d’influence ? La question qui se pose est de savoir comment s’y prendre pour que sa voix soit entendue. Les études récentes que nous avons menées mettent en lumière des facteurs clés pour comprendre comment certains tirent leur épingle du jeu.
Éviter de butiner
Thèmes, Talent et Travail, c’est une « règle des trois T » que nous proposons en premier lieu pour se faire remarquer. Les « followers » (« suiveurs »), viennent chercher des contenus correspondant à leurs centres d’intérêt. Les attentes sont multiples et dépendent du domaine concerné.
Dans la beauté, la cuisine, le tourisme et la mode, l’attente des internautes reste centrée sur la recherche de nouvelles idées et de sources d’inspiration originales. Dans les domaines liés aux jeux et à l’humour, il s’agit avant tout d’une motivation hédonique, centrée sur la recherche du plaisir et du divertissement. Enfin, dans les domaines spécialisés, liés par exemple au sport, à la politique, à la culture ou au bricolage, la motivation est souvent utilitaire avec la recherche d’une information pertinente et transparente.
Dans tous les cas, il est important de créer un dialogue autour de ce que recherche sa communauté pour qu’elle soit engagée et ait envie de suivre régulièrement l’influenceur. Il s’agit ainsi d’éviter de butiner avec un sujet différent chaque jour, car il est important d’être reconnu sur une zone d’expertise. Certains influenceurs réussissent ainsi à rassembler des communautés impressionnantes sur des thèmes très spécialisés à propos desquels ils développent une forte crédibilité.
Citons par exemple, sur les sujets politiques, « hugodecrypte » qui possède 1 million d’abonnés sur Instagram, « Dr Nozman » et ses 3,89 millions de followers YouTube qui suivent ses vidéos sur la biochimie, ou encore la chaîne portant sur l’histoire de France « Nota Bene » à laquelle 1,7 million de personnes sont abonnées.
Les entretiens avec des influenceurs ont été enrichis par un avis d’expert du marketing d’influence, Édouard Crémer, directeur général Sampleo et Talent Web Academy au sein de Webedia Creators. Pour celui qui travaille au quotidien avec des influenceurs, il faut déjà s’entendre sur ce que l’on entend par « faire entendre sa voix ». Le nombre de followers n’est pas le seul critère pour mesurer l’influence. Le taux d’engagement de sa communauté illustre aussi l’intérêt que porte une audience sur un contenu.
Ainsi, avec des petites communautés sur la mode ou la beauté, certains influenceurs affichent des taux d’engagements records, au-delà de 20 %, et peuvent prétendre avoir une voix qui porte, comme « Niia » ou encore « Miriam ».
La créativité, l’originalité et le charisme sont ensuite des éléments essentiels pour proposer une voix inspirante. Il est difficile de donner une méthode pour être un « créateur », il n’y a pas une recette toute prête pour inspirer son public.
Un influenceur de mode doit démontrer qu’il a l’œil pour repérer les futures tendances, qu’il a « bon goût » et le sens de l’esthétique, mais il est délicat de définir comment cela s’acquiert : c’est un talent rare. Pour savoir si on a ce grain de génie, il faut se lancer en partageant sa passion, et vérifier si l’on parvient à transmettre sa vision de façon engageante.
À ce stade, tout n’est pas gagné pour autant car le talent ne suffit pas.
Comme tout métier, celui de l’influence a des codes et des techniques qui s’apprennent et ne s’improvisent pas. Les influenceurs connaissent le ton qu’il convient d’adopter pour s’adresser à leur audience, la bonne fréquence et le meilleur moment pour poster dans la journée en choisissant les réseaux sociaux adaptés à leur lectorat. Ils savent aussi se faire remarquer grâce à l’utilisation de nouvelles fonctionnalités, à une compréhension fine des algorithmes de chaque réseau social et aux mécanismes du partage de visibilité avec d’autres créateurs.
Aujourd’hui, la vidéo est le format qui fonctionne le mieux en termes d’attention et d’intérêt. Cependant, créer et poster un contenu vidéo de qualité demande de la technique. Les influenceurs doivent aussi accepter de prendre le temps nécessaire pour répondre rapidement à leurs followers afin de les fidéliser et de favoriser l’engagement futur de leur audience qui se sentira valorisée.
Face aux intentions commerciales
Et quand le succès arrive, comment ne pas perdre son âme dans la collaboration avec les marques ?
Une des difficultés majeures réside dans le fait de gérer la tension entre les intentions commerciales des marques et la recherche d’authenticité des followers. Il existe cependant des stratégies gagnantes pour la surmonter. Nous avons décortiqué une dizaine de collaborations entre des marques et une quarantaine d’influenceurs.
Les analyses de près de 500 posts dans le cadre de ces collaborations et l’analyse textuelle de plus de 5 000 mots ont permis de dégager, en complément de la règle des trois T, la proposition des « trois C » dans les collaborations : choix, créativité et contrat.
Le bon choix des marques constitue un premier élément essentiel dans cette stratégie. Ces marques doivent être pertinentes et attrayantes pour l’audience, tout en étant cohérentes avec les centres d’intérêt et le positionnement de l’influenceur. Par exemple, spécialisée dans les voyages porteurs de sens autour du respect de l’environnement, l’influenceuse Sophia Li n’accepte des collaborations qu’avec des marques socialement responsables.
Selon l’étude 2020 Kantar x Sampleo menée auprès de 300 influenceurs, 61 % d’entre eux se sont déjà vu proposer des partenariats avec des marques dont ils ne partageaient pas les valeurs. Parmi ceux-ci, 67 % les refusent systématiquement.
Une fois la marque partenaire sélectionnée, il s’agit de ne pas se cantonner à un rôle de transmission d’un message publicitaire. L’influenceur doit obtenir de la liberté pour créer son contenu et sa propre mise en forme, correspondant à son style et aux attentes de sa communauté. Il reste un créateur, qui propose une vision personnelle et différente dans toutes ses prises de paroles, même lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur les produits de marques partenaires.
Enfin, afin de créer les conditions d’une coopération efficace et sur le long terme, il est essentiel que les parties se mettent d’accord sur une charte de conduite et sur les devoirs de chacun sur le court et moyen terme. Le contrat ne doit pas être vu comme un manque de confiance mutuel mais comme un code de bonne conduite qui permet de partir sur des bases saines pour construire une relation durable. Les deux parties doivent accepter la transparence sur le caractère sponsorisé ou non des contenus liés à la collaboration.
En conclusion, pour percer un influenceur doit trouver les bons thèmes, proposer un point de vue original et acquérir les codes du métier. Ensuite, pour perdurer, il doit se rapprocher de marques pertinentes et définir des règles claires de collaboration en conservant sa liberté créative.
Source: socialnetlink.org