Atiku Abubakar et Peter Obi ont contesté, jeudi, la victoire de Bola Tinubu à l’élection présidentielle nigériane, dénonçant des « manipulations » et des « fraudes » et estimant que cette élection était « l’une des plus controversées jamais organisées au Nigeria ».
Les deux principaux candidats malheureux à l’élection présidentielle au Nigeria ont dénoncé, jeudi 2 mars, des fraudes et la victoire de Bola Tinubu, du parti au pouvoir, Atiku Abubakar évoquant un « viol de la démocratie » et Peter Obi un recours en justice.
Près de 25 millions de Nigérians ont voté le 25 février lors d’un scrutin qui s’est globalement déroulé dans le calme, mais entaché par des retards dans le décompte des voix et d’importantes défaillances dans le transfert électronique des résultats. Ces incidents ont provoqué l’ire de nombreux électeurs et des principaux partis d’opposition qui dénoncent des « fraudes massives ».
« Les manipulations et les fraudes qui ont accompagné cette élection sont sans précédent dans l’histoire de notre nation », a déclaré Atiku Abubakar, le candidat du Parti démocratique du peuple (PDP), 76 ans, arrivé deuxième avec 29 % des voix.
Selon lui, les résultats proclamés par la Commission électorale nationale (Inec) ont été « grossièrement biaisés » au profit de Bola Tinubu, 70 ans, du Congrès des progressistes (APC), qui a officiellement remporté l’élection présidentielle avec plus de 8,8 millions de voix, soit 36 % des suffrages.
Le taux de participation officiel est d’environ 27 % – encore plus bas que lors de la précédente élection, en 2019 (33 %).
« Un viol de la démocratie »
« Je ne comprends toujours pas pourquoi l’arbitre électoral était si pressé de conclure la collecte et l’annonce des résultats, étant donné le nombre de plaintes et d’irrégularités » enregistrées, s’est étonné Atiku Abubakar devant la presse à Abuja. Pour lui, « il s’agit bien d’un viol de la démocratie ».
Le favori de la jeunesse, Peter Obi, 61 ans, du Parti travailliste (LP), arrivé en troisième position avec 25 % des voix, a déjà annoncé son intention de se pourvoir en justice pour contester les résultats. « Je veux aller au tribunal. Nous allons explorer toutes les options légales et pacifiques pour récupérer notre mandat. Nous avons gagné l’élection et nous le prouverons aux Nigérians », a-t-il affirmé.
« Cette élection restera comme l’une des plus controversées jamais organisées au Nigeria », a déclaré Peter Obi. « Le peuple nigérian (…) a une nouvelle fois été volé par nos supposés dirigeants en qui il avait confiance », a-t-il ajouté.
L’émergence de cet outsider face aux deux principales formations politiques constitue une première dans l’histoire démocratique du Nigeria. Cet ancien gouverneur, perçu comme intègre, s’était imposé comme le candidat de la rupture face à la vieillissante élite nigériane, réputée corrompue. Et sa défaite a été vécue comme une terrible désillusion pour ses partisans.
Interrogé sur le fait de savoir s’il comptait faire de même, Atiku Abubakar, qui a brigué six fois en vain la présidence, a simplement répondu: « Nos avocats étudient les résultats de l’élection, nous attendons leurs conseils (…) et nous déciderons de la conduite à tenir ».
Après la proclamation des résultats, les candidats disposent de 21 jours pour contester l’élection en justice.
Des accusations « infondées et irresponsables », selon la commission électorale
Bola Tinubu, l’ancien gouverneur de la capitale économique Lagos, succèdera au président Muhammadu Buhari, 80 ans, qui doit se retirer en mai avec un bilan désastreux marqué par l’explosion de la pauvreté et de l’insécurité. Mercredi, il a appelé ses adversaires à « faire équipe ensemble ». « Nous devons travailler dans l’unité » pour « recoller les morceaux brisés », a-t-il insisté.
Surnommé le « parrain », le « faiseur de roi » ou encore le « boss » pour son influence considérable, Bola Tinubu a été maintes fois accusé de corruption au cours de sa carrière, sans jamais être condamné.
Par le passé, les élections au Nigeria ont souvent été entachées par des allégations de fraude et des violences. Cette fois, certains électeurs et partis d’opposition affirment que les défaillances du système lors du téléchargement des résultats ont permis la manipulation des bulletins de vote et des disparités dans les résultats des comptages manuels dans les bureaux de vote.
Les observateurs internationaux, notamment ceux de l’Union européenne, ont également relevé des problèmes logistiques majeurs, des électeurs privés de leurs droits et un manque de transparence.
De son côté, la commission électorale a fustigé des accusations « infondées et irresponsables » de l’opposition.
AFP